Résumé :
Pourquoi Sade qui fut, au dire même de ses hagiographes, coupable de séquestrations, de viols en réunion, de menaces de mort, de traitements inhumains et dégradants, de tortures, de tentatives d’empoisonnement, fut-il porté aux nues par l’intelligentsia française pendant tout le XXe siècle ? De Breton à Bataille, de Barthes à Lacan, de Deleuze à Sollers, tous ont vu en lui un philosophe visionnaire, défenseur des libertés, un féministe victime de tous les régimes ? Fidèle à sa méthode, Michel Onfray croise la vie, l’œuvre et la correspondance de Sade. Romancier, il n’y aurait rien à redire à ses fonctions ; mais Sade se réclame de la philosophie matérialiste, mais il laisse une place possible à la liberté, puis fait le choix du mal. Dès lors, cet homme triomphe moins en libérateur du genre humain qu’en dernier féodal royaliste, misogyne, phallocrate, violent.
Extrait :
Tout le monde connaît les frasques d’Ilse Koch, mais peu savent son nom : les abat-jour en peau humaine dans les camps de concentration nazis, c’est elle – entre autres gestes maléfiques… La vie de cette femme racontée simplement, sans fioritures lyriques, mais avec la précision d’un anatomiste, donnerait un roman du marquis de Sade.
Le tenants de la religion sadienne pousseront des cris : la littérature n’est pas le réel, la passion pour la méchanceté sur le papier dispenserait même le passage à l’acte ! Sade ne fut pas sadique ni sadien, tout juste un grand écrivain fantasmant ce qu’il n’a pas fait ! Vulgate freudienne…
Mon avis : ♥♥♥♥♥
Je suis assez mitigée sur cette première lecture de Onfray, j’aurais peut-être dû opter pour une œuvre plus conséquente comme introduction à cette découverte, car ici je n’arrive pas à me placer sur le fait que j’accroche ou non. J’ai longuement entendu parlé de ce philosophe qui ose défier et s’attaquer aux mythes littéraires, philosophiques, psychologiques ou autres grandes figures qui ont marquées le monde et je dois avouer que ce livre entrant directement dans cette catégorie me laisse perplexe…
Pour être plus précise je suis d’accord sur le fond de cette contre-histoire ravageant l’image révolutionnaire et féministe de Sade. A savoir la démonstration du marquis tel que ses écrits le montrent : un Sade délinquant sexuel, qui privilégie son plaisir au détriment du consentement d’autrui s’appuyant sur un soit disant appétit sexuel inné devant s’exprimer dans le libertinage macabre, mais surtout partisan de SA liberté par asservissement d’autrui – un Sade révolutionnaire par opportunisme de peur de se voir guillotiner en place public – ou encore un Sade tortionnaire d’enfants et de femmes. Un Sade sadique, appelons un chat, un chat ! « Apôtre des assassins » pour reprendre le texte. Je n’ai effectivement jamais réussi à poursuivre une lecture écrite de sa main pour cause de son caractère malsain et de ses délires sexuels excessifs.
En revanche, bien que j’ai apprécié l’écriture fluide et accessible pour tous d’Onfray, j’ai été moins emballé par la forme de cette remise en question. Je le trouve bien virulent et agressif dans son ton, ce qui lui donne un air fanfaron qui me déplaît un peu et qui vulgarise, selon moi, sa démonstration. La mise en forme par chapitre, tel une dissertation universitaire m’a également moyennement plu, je l’ai trouvé un peu scolaire et du coup paradoxale avec son contenu si vivant « d’envie d’être entendu ». Disons que j’ai eu l’impression de suivre le discours d’une personne – qui s’écoute un peu parler, mais là n’est pas la question – s’emballant pour un sujet qu’il maitrise à un diner entre amis (cf. le ton un peu agressif et persuasif) mais qui tiendrait ce discours en commençant ses phrases par : « Petit 1 : Sade est un délinquant sexuel, voilà pourquoi… », « Petit 2 : Sade n’est pas un révolutionnaire, je vais vous annoncer pourquoi… » Plutôt incongru et inimaginable comme approche !
Ce livre reste tout de même très intéressant et j’aime le coup de pied que Michel Onfray met dans la fourmilière dès le début, en comparant Sade à Ilse Koch : femme du premier commandant du camp de concentration de Buchenwald, également rebaptisée la chienne de Buchenwald pour toutes les horreurs dont elle est l’auteur. Ainsi que le culot monumental dont il fait preuve dans sa remise en question de Guillaume Apollinaire, responsable du mythe Sade. En bref, chacun en prend pour son grade et il nous permet de remettre notre vision des choses en question et surtout il nous pousse à l’esprit critique. Rien que pour cela, je retenterais l’expérience 🙂
Les + : une approche à la portée de tous ceux qui ont envie de se lancer dans la philosophie et une envie de replacer les choses à leurs places ainsi qu’une invitation à avoir un esprit critique.
Les – : un ton un tantinet agressif qui donne une allure de coup de gueule à un texte pourtant fort intéressant et un manque parfois de référencement pour les phrases qu’il cite…
Si l’envie vous en dit, une petite vidéo parlant du livre mais pas que…