« Frankenstein » de Mary Shelley

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Résumé :

Victor Frankenstein, scientifique genevois, est recueilli sur la banquise par un équipage faisant route vers le Pôle Nord. Très tourmenté, il livre son histoire au capitaine du bateau : quelque temps auparavant, il est parvenu à donner la vie à une créature surhumaine. Mais celle-ci sème bientôt la terreur autour d’elle…

Mon avis : ♥♥♥♥♥

En véritable mythe, Frankenstein est dans tous les esprits… Et pourtant sa lecture apporte tellement plus que la légende créée par la rumeur populaire. Rumeur qui a même fait fusionner le monstre et son créateur sous le même nom, le tristement célèbre Dr Frankenstein. Mary Shelley, femme intellectuelle et brillante de son époque, a su mêler les genres avec brio en nous cédant une fine analyse des débordements de la science et de l’éthique inhérente à celle-ci. In fine, cet oeuvre est un splendide pamphlet tragique sur la solitude et l’inhumanité ainsi qu’une réflexion métaphysique poussée sur le monde laïcisé qui n’a plus de Dieu pour se limiter. 
De son époque littéraire, Mary fait se joindre toutes les subtilités en nous offrant les genres les plus en vogue de son temps en un seul ouvrage. Ainsi :
  • le roman épistolaire comme récit-cadre avec les lettres de Walton, mais aussi le roman d’aventure avec son expédition dangereuse en mer.
  • le roman d’apprentissage via le monstre déambulant dans la vie et ses désillusions.
  • le roman sentimental à travers l’amour d’Elizabeth et Frankenstein.
  • Enfin, le romantisme passant par l’obsession du savoir des deux personnages clés (à savoir, Frankenstein et Walton) et le roman gothique si cher à cette époque !
Un mélange subtilement réparti qui nous offre une merveille de la littérature gothique, ou de ce qui est défini comme le premier roman de science-fiction. Les émotions vont crescendo et lorsque l’on se penche un peu sur la vie de l’auteure, elles sont encore accentuées par la sensation de lire une oeuvre qui se livre à coeur ouvert, sans détours et en toute conscience de ses souffrances. On ne peut que se plonger corps et âme dans l’envie de vengeance du monstre, né sans nom et rejeté par son créateur, et qui malgré une profonde bonté ne subira que les pires affronts par la race humaine… peureuse face à l’étrange ou face à l’étranger. On en vient même à se demander qui est le véritable monstre ? Le créateur ou la créature, mais aussi peut-être humanité toute entière. Qui est vraiment celui qui mérite la potence ? Pour ma part, j’ai fait mon choix et celui-ci me ronge le coeur. Je m’indigne et je souffre près de celui que mon coeur voudrait sauver !!! Je vous laisse choisir et voir par vous même, car sincèrement si vous n’avez pas encore tenté l’aventure de ce prométhée – ou Faust – moderne, allez-y sans crainte, sauf peut-être pour vos émotions…

A voir également, « Mary Shelley » sorti récemment. Il met en avant la fragilité et la force de l’auteure dans une vision très poétique et saisissante de son amour pour Percey Shelley et de sa solitude grandissante… jusqu’à sa frénétique écriture de « Frankenstein ».

« Ne doutez pas de la capacité d’une femme  de connaître
le deuil, la trahison, la mort »

 

coup-de-coeur

« Des fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes

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Résumé :

Il s’appelle Charlie Gordon, c’est un simple d’esprit, un minable, employé aux basses besognes dans une usine. Algernon, elle, est une souris de laboratoire et le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler son intelligence. Les deux savants tentent alors d’appliquer leur découverte à Charlie avec l’assistance de la jeune psychologue Alice Kinnian. C’est bientôt l’extraordinaire éveil de l’intelligence de ce cerveau demeuré. Charlie découvre avec passion un monde dont il avait toujours été exclu, et l’amour qui ne tarde pas à naître entre Alice et lui achève de le métamorphoser. Mais un jour, les facultés supérieures de la souris Algernon déclinent. Pour Charlie commence alors le drame atroce d’un homme qui peu à peu se sent retourner à l’état de bête.

Extrait :

Conte randu N°1
3 mars. Le Dr Strauss dit que je devrez écrire tout ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive à partir de mintenan. Je sais pas pourquoi mais il dit que ces un portan pour qu’ils voie si ils peuve mutilisé. J’espaire qu’ils mutiliserons pas que Miss Kinnian dit qu’ils peuve peut être me rendre un télijian. Je m’apèle Charlie Gordon et je travail à la boulangerie Donner. Mr Donner me donne 11 dolar par semène et du pain ou des gâteau si j’en veut. J’ai 32 ans et mon aniversère est le mois prochin. J’ai dit au Dr Strauss et au proféseur Nemur que je sait pas bien écrire mes il dit que sa fait rien il dit que je dois écrire come je parle et come j’écrit les composisions dans la clase de Miss Kinnian au cour d’adultes atardé du Colege Bikman où je vait 3 fois par semène a mes heure de liberté. Le Dr Strauss dit d’écrire bocou tou ce que je panse et tou ce qui m’arive mes je peux pas pansé plus pasque j’ai plus rien a écrire et je vais marété pour ojourdui. Charlie Gordon.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Comme vous pouvez le voir l’extrait contient une multitude de fautes et c’est là tout le génie de l’auteur. Il a choisit pour nous raconter cette histoire de nous la présenter sous forme de compte-rendu – comme un journal intime – écrit de la main de Charlie Gordon, notre personnage principal. On suit donc grâce à cela son avancée et on gravit avec lui les « paliers d’intelligence » qu’il acquiert au fur et à mesure de l’expérience. On voit les fautes s’effacer et le discours se structurer. Non seulement cela rend compte de l’impact intellectuel et psychologique sur Charlie mais ces textes nous lient également au personnage. On apprécie Charlie et on s’attache à lui.
On est heureux pour lui lorsqu’il réussi à lire de mieux en mieux, à écrire correctement ainsi que lorsqu’il réalise son rêve de devenir intelligent. Et puis, on assiste médusés au triste réveil de Charlie sur le monde et ses horreurs : sur la mesquinerie de ses collègues, sur ces désillusions face à la méchanceté de l’Homme, sur la vision que les autres avaient de lui avant d’être « normal ». On le voit se lier d’amitié avec Algernon – la souris intelligente – et enfin se rendre compte que celle-ci perd ses capacités et commence à avoir des attitudes étranges. On l’accompagne alors impuissants, lorsqu’il comprend son déclin inévitable…
Une vraie critique de l’Homme et de la science ressort dans ce livre. On prend en pleine figure notre société normative et cruelle, préceptrice d’une stigmatisation permanente de l’inconnu et de la non-conformité, dans une quête de perfection perpétuelle. On voit aussi ces scientifiques sous couvert de l’avancement traiter Charlie comme un cobaye sans aucune considération de l’humain, qui ne se demande à aucun moment si Charlie n’était finalement pas plus heureux avant. Que voulez-vous cela paraît logique : comment peut-on être heureux en étant idiot, demeuré, bestiale et même non-humain ?! Un sujet philosophique émerge de ce fait dans ce bijou littéraire : L’intelligence rend-t-elle heureux ou alors – comme souvent cela a été dit – bienheureux est l’ignorant…! Vaste question.
En tout cas pour finir, je remercie Charlideslivres pour cette découverte sur son blog. Cette lecture m’a bouleversé tout du long et jusqu’aux larmes dans les 15 dernières pages. Le genre d’histoire dont on ne ressort pas indemne, j’ai pris une claque pleine d’émotions et de questionnements. Je n’oublierai jamais Charlie Gordon ni Algernon.
Les + : une histoire innovante brillamment mené et bouleversante. Au delà de la science-fiction (que finalement je ne vois que peu ici) c’est un livre humain.
Les – : certaines scènes sont difficiles et m’ont prises au cœur.