Les dieux ont soif – Anatole France

Découverte Fac – Éditions Le Livre de Poche Classiques – Prix 5,80 €

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Les dieux ont soif : quand il choisit pour titre ce mot de Camille Desmoulins, Anatole France ne veut nullement rejeter sur une fatalité tragique les atrocités de la Terreur. Ce texte admirable décrit l’horreur du fanatisme, l’obscurantisme gagnant les Lumières elles-mêmes, la barbarie prenant le masque du progrès. En 1912, ce livre du patriarche de la Gauche française qui dénonçait les excès de la Révolution fut accueilli comme un paradoxe. Aujourd’hui, cette représentation alarmée de l’histoire se lit comme une lucide préface à l’horrible xxe siècle, un avertissement contre l’ignorance et la peur qui engendrent la bêtise, la grande tueuse.

Symbolisme populaire & Illusion du changement

France écrit ce texte en 1912. Celui-ci sera reçu comme un choc électrique car jusqu’ici personne ne condamnait les actes barbares menés par la Révolution ! Rappelons-nous la célèbre théorie du bloc de Clemenceau en 1891 « La Révolution est un bloc ». Alors bien que l’auteur ne soit pas contre-révolutionnaire et qu’il n’ai aucunement eu le projet d’écrire un roman ayant cette résonance, le climat social de sa publication et le regard que ses contemporains ont eu dessus laisse une empreinte qui vaudra à Anatole d’être si peu connu – et non étudié à l’école, voir la réaction des bacheliers de 2016 parlant de notre Prix Nobel 1921 comme d’un inconnu, si si, je vous jure !!! Bon ok, je dramatise, le pourquoi du comment Anatole a été tant mis de côté est un cocktail de nombreuses choses, néanmoins les faits sont là et je souhaite une réhabilitation ferme pour cette belle plume
L’auteur nous fait suivre Évariste Gamelin – dont le nom sera gravé à vie dans ma tête pour l’impact du personnage mais aussi pour l’avoir écrit 1500 fois dans mon dossier universitaire – parfait prototype du fanatisme révolutionnaire. Peintre raté qui trouvera son idéalisme esthétique et idéologique dans son poste de juré du Tribunal révolutionnaire en participant à la tuerie paranoïaque et inhumaine de la Grande Faucheuse – comprendre ici, la tristement célèbre guillotine, le panier à Samson. Gamelin condamnera tout le monde, des inconnus d’abord, puis son beau-frère et enfin ses ami(e)s. 
Mais avant d’en arriver à ces condamnations, France installe un regard sceptique au lecteur en démontrant un climat d’inchangé dans ses pages. En effet, malgré le bouleversement révolutionnaire prometteur d’un renouveau pour le peuple, il laisse entrevoir une forme utopique de ses changements. Le peuple se trouve toujours dans la misère et les habitudes monarchiques persistent ; tandis que la justice implacable et tyrannique reprochée au monarque se voit renouveler par le Comité de Salut publique, au même titre qu’une religion seulement ranimée sous un nouvel aspect. Le symbolisme populaire permet la mise en lumière des désillusions de la Révolution en marche, mais France dans cette perspective utilise également le discours.

Dialogisme & scepticisme révolutionnaire

Le premier discours critique vis-à-vis de la Révolution et de ses acteurs est le discours maternel – celle que l’on peut voir comme une personnification de la Mère Patrie – dont il résulte un peuple affamé et un scepticisme certain quant au devenir des idéaux révolutionnaires : « Mais ne me dis pas que la Révolution établira l’égalité, parce que les hommes ne seront jamais égaux ». Une vision critique que Gamelin refuse d’écouter. D’autres personnages viendront contrecarrer ses idéaux tels que le père de sa chère et tendre, ses ami(e)s, sa soeur et son beau-frère.
En définitive, France soumet Gamelin au pragmatisme des personnages féminins et masculins l’entourant. Ce dialogisme hétérogène résonne comme l’unité de la voix populaire et manifeste une attitude encline à se questionner sur ladite période ; non seulement sur les institutions mises en place – notamment la nouvelle religion et la nouvelle justice – mais aussi sur les agissements propres à cette Révolution qui libère le peuple sous la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », mais dont les maîtres mots sont aussi misère, guillotine et obédience.

Mort & Effet de cycle

La Mort est présente partout dans cet ouvrage que ce soit dans les odeurs et le paysage parisien comme dans l’évolution narrative elle-même. Déjà, Gamelin a pour modèles deux destins funestes et controversés : Marat, puis Robespierre. Les deux hommes, acteurs principaux d’une Révolution implacable, finiront tous deux morts pour le Révolution. On peut ainsi voir dans ces deux figures adulées se profiler un destin tout aussi funeste pour notre anti-héros prêt à tout, comme ses modèles, pour la République. De plus, le remplacement de Marat par Robespierre vient également signaler un premier aspect cyclique dans le roman francien. 
La guillotine participe également à cet effet de cycle en montrant une justice toujours assoiffée de victimes ; et enfin, c’est la mort de Gamelin qui boucle la boucle – pardon pour le spoil mais il ne s’agit pas d’un rebondissement fictionnel. Inévitable, elle intervient non seulement pour renforcer l’effet de cycle, mais permet également de soulever une forme d’échec révolutionnaire. Ainsi, le cycle renvoie à l’inchangé qui par analogie renvoie, lui, à une forme d’échec. Plutôt qu’un roman contre-révolutionnaire, j’y vois moi, un roman de l’échec de l’humanité. 

En une phrase…

Un roman délicieux qui marque les esprits et fait réfléchir sur la capacité humaine à se laisser aveugler par effet de masse et de peur. 10/10 !

L’homme qui mangeait la mort – Borislav Pekić

Découverte Fac – Éditions AgonE – Prix 12,00 €

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De sa main droite, Popier enregistrait les condamnations, de la gauche, il arrachait de petits morceaux de celle qu’il avait volée, les portait à sa bouche en faisant attention à ce qu’on ne le voie pas et les avalait après les avoir humectés sous sa langue. Puis sa main se glissait à nouveau sous son vêtement, à la recherche d’une autre bouchée. C’est ainsi que Jean-Louis Popier, greffier du tribunal institué par la grande Révolution française, mangea sa deuxième mort. C’était la première qu’il mangeait intentionnellement. Le papier était moins fade que celui de la nuit passée, l’encre ne lui donnait plus la nausée. Les deux matières avaient désormais le goût sucré de sa volonté. L’individu évoqué ici sous le nom de  » l’homme qui mangeait la mort  » fait partie de la multitude des petites gens dont les manuels parlent peu. Si les historiens de métier voient là une raison de s’en détourner pour se consacrer à ses contemporains plus illustres tels que Danton, Robespierre et Marat, cela ne saura qu’inciter davantage les écrivains, ces profanateurs de tombeaux, à tenter de la sauver de l’oubli.

Histoire & Fiction

L’auteur nous entraîne en plein coeur des rouages de la Terreur en nous propulsant derrière l’épaule de Jean-Louis Popier, greffier au Tribunal révolutionnaire. Cette nouvelle relate l’état de tension et de peur d’une époque sombre et carnassière. On se sent étouffer sous les nombreux condamnés et prêt à se cacher pour sauver notre tête. Notre Révolution française écrite par un serbo-croate se veut cruelle et impassible face à la mort, mais aussi romanesque…
En effet, Pekić nous propose de partir de l’idée que ce héros caché de Popier – voleur et mangeur de condamnation – a existé. Il fait donc vivre à travers son personnage, une légende orale ; sans oublier de se gausser un peu des hagiographes et autres enquêteurs de l’histoire pas toujours neutres. Ainsi, ce héros de l’ombre prend vie et on entre dans cette mise en scène entre fiction, fable et vérité sans parachute et en en dévorant les pages. 

Humanité & Hasard  

Notre Popier est un héros de l’ombre. Spécimen d’un groupe de rebelle charitable prêt à se mettre en péril pour sauver des vies de la machine révolutionnaire qui s’emballe, il se construit sous nos yeux  cet homme qui se veut être une possibilité de ces légendes de sauveurs parmi les greffiers et autres personnels du Tribunal – de la mort. Ainsi, Popier part – un jour pas fait comme un autre – avec une condamnation. Transi de peur lors de la découverte de sa faute, il décide de manger la condamnation pour s’éviter de très graves problèmes. C’est, par cette heureux hasard, que Popier va commencer sa révolte et ses sauvetages quotidiens. 
Le héros fait donc preuve d’une humanité dangereuse pour lui-même et dirigée par le hasard. Non seulement, il découvre le pouvoir entre ses mains par hasard, mais ensuite sauvera des condamnés par hasard… Vous le devinez : des cas de conscience – que je vous laisse découvrir – se présenteront à notre bon Popier ! Cette légende est d’une beauté attendrissante par sa simplicité et son envie de bien faire. J’ai été chamboulé par la bonté de cette âme qui se questionne encore malgré son action en oeuvre et se torture de ne pas pouvoir faire mieux, ou plus. 

En une phrase…

Cette nouvelle très courte – à peine 70 pages – fait du lecteur un dévoreur de livre sans remords ; à l’instar de notre Popier narré, dévoreur de condamnation sans regrets.  10/10 !

Le Loup des Cordeliers – Henri Lœvenbruck

Cadeau de Noël – XO Éditions – Prix : 21,90

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Mai 1789, un vent de révolte souffle sur Paris. Gabriel Joly, jeune provincial ambitieux, monte à la capitale où il rêve de devenir le plus grand journaliste de son temps. un enquêteur déterminé à faire la lumière sur les mystères de cette période tourmentée. Son premier défi : démasquer le Loup des Cordeliers, cet étrange justicier qui tient un loup en laisse et, la nuit, commet de sanglants assassinats pour protéger des femmes dans les rues de Paris… Les investigations de Gabriel Joly le conduisent alors sur la route des grands acteurs de la Révolution qui commence : Danton, Desmoulins, Mirabeau, Robespierre, personnages dont on découvre l’ambition, le caractère, les plans secrets.
Alors que, le 14 juillet, un homme s’échappe discrètement de la Bastille, Gabriel Joly va-t-il découvrir l’identité véritable du Loup des Cordeliers, et mettre au jour l’un des plus grands complots de la Révolution française ?
NB : Comme vous le voyez, après L’Apothicaire que j’ai adoré, je n’ai pas pu m’empêcher de me plonger dans ce nouvel opus de l’auteur ! Qu’on se le dise immédiatement, celui-ci ne m’a pas ébloui comme le premier, mais cela ne veut pas dire que je ne l’ai pas aimé, au contraire…

Politique & Révolution

L’auteur démontre une fois de plus son attachement à l’histoire ; et si dans ce roman la philosophie n’est plus à l’honneur, ce n’est que pour la remplacer par un brin de politique inhérente à la période révolutionnaire ! Étant en plein travail universitaire sur ladite période, je me suis régalée à lire un thriller la mettant en scène avec un peu de recul et d’autres mystères à résoudre que les jeux politiques et souvent tyranniques des grandes figures révolutionnaires.
On atterrit dans un Paris misérable et mouvementé par la disette et la réunion des états-généraux. L’auteur nous romance les dessous de ces évènements historiques avec aplomb et documentation. Ainsi, les amoureux de l’histoire – ou simplement de la période – se régaleront ici à suivre l’avancée d’une Révolution que l’on voit se construire page après page sous nos yeux ébahis. 

Enquête & Rebondissement

La plongée révolutionnaire est déjà palpitante à elle seule, mais s’ajoute à cela l’enquête sur le fameux Loup des Cordeliers. Un personnage encapuchonné tenant en laisse un énorme loup qui vient au secours des femmes attaquées pendant la nuit parisienne ! Ce dernier lâche son colosse assoiffé de sang sur les brigands et ne rechigne pas à l’aider avec son épée pour finir le travail. Résultat : une femme sauvée, des vauriens morts déchiquetés ou décapités et un symbole dessiné à la pointe de son épée ! Zoro, Zoroooo ! Ah, non pardon, je m’égare !!

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J’ai aimé suivre cette enquête aux nombreux rebondissements qui se lie à merveille avec une intrigue plus ou moins politique, mais aussi et surtout mène à la quête d’un trésor. L’auteur nous laisse ensuite une promesse en fin d’ouvrage : À suivre… Ainsi, une deuxième tome est attendu avec beaucoup d’envie !

Personnages & Fiction

Ce n’est pas un secret, je raffole des uchronies, à savoir ces histoires mêlant fiction et faits historiques ! J’ai donc complètement accroché avec celle-ci, mais – oui, le mais est ici – après avoir lu L’Apothicaire, je m’attendais à des personnages plus construits. Bien que j’ai aimé suivre l’enquête auprès de notre journaliste, Gabriel Joly, je lui ai trouvé que très peu de consistance et j’ai eu du mal à m’attacher à lui. Les personnages sillonnants autour de lui m’ont d’avantage intéressée, notamment le pirate qui l’accompagne que je trouve assez chouette ; mais je ne peux pas dire au sortir de ma lecture, qu’il y ait un personnage qui me marque vraiment. Petit bémol donc !
En revanche, j’ai adoré voir les grandes figures révolutionnaires – tels Danton et Desmoulins – mais aussi Louis XVI et Marie-Antoinette en vie dans ces pages, et une ovation particulière pour l’attention accordée à Terwagne de Méricourt – grande révolutionnaire – souvent oubliée des livres d’histoire !

En une phrase…

Très bon thriller historique, malgré un léger manque de consistance des personnages ! 8/10

L’Apothicaire – Henri Lœvenbruck

Découverte Kube – Éditions J’ai Lu – Prix : 9.40€ (Poche)

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« Il vécut à Paris en l’an 1313 un homme qui allait du nom d’Andreas Saint-Loup, mais que d’aucuns appelaient l’Apothicaire, car il était le plus illustre et le plus mystérieux des préparateurs de potions, onguents, drogues et remèdes… »
Un matin de janvier, cet homme découvre dans sa boutique une pièce qu’il avait oubliée… Il comprend alors que jadis vivait ici une personne qui a soudainement disparu de toutes les mémoires.
L’Apothicaire, poursuivi par d’obscurs ennemis, accusé d’hérésie par le roi Philippe le Bel et l’Inquisiteur de France, décide de partir jusqu’au mont Sinaï.
Entre conte philosophique et suspense ésotérique, L’Apothicaire est une plongée vertigineuse dans les mystères du Moyen Age et les tréfonds de l’âme humaine. Résumé via Babelio

Rhétorique & Oralité

Henri Lœvenbruck – que je ne connaissais pas avant cette lecture – prend le pari dans son roman de faire revivre la rhétorique et son oralité. Un savoureux mélange pour les appréciateurs de mots et de leur tournure oratoire. Je dis « oratoire » pour une bonne raison : imaginez-vous, chers ami(e)s littéraires, assis dans la cour du château écoutant le troubadour (ou trouvère, selon que vous soyez plutôt langue d’oc ou langue d’oïl) vous narrer l’épopée d’Andreas Saint-Loup – grand apothicaire parisien ; de Robin – son apprenti ; et de Aalis – jeune fille parricide. Vous avez l’image en tête ? Si elle vous plaît, ce livre est fait pour vous.
L’auteur tient son fil épique durant 800 pages et n’hésites pas à apostropher son lecteur, rapellant ainsi le pacte inconditionnel liant l’auteur à son lecteur via l’acte d’écriture. Une immersion totale dans l’aventure la rendant des plus savoureuses.

Histoire & Philosophie

Serait-il plus juste de parler de théologie ? Pour nous, contemporains, ce serait une certitude. Néanmoins, pour coller au plus juste à cette période médiévale – à savoir 1313, date à laquelle débute cette aventure – il faut s’en tenir au terme de philosophie qui ne faisait pas encore de distinction entre les deux notions. Le distinguo religieux n’interviendra que bien plus tard historiquement, ainsi la religion était encore une partie inhérente de la règle philosophique de ce moyen-age chrétien, intégrant déjà avec peine la littérature profane, en langue vernaculaire, à son patrimoine culturel.
L’auteur nous immerge dans l’histoire moyennageuse révélant un souci de documentation acharnée et un véritable trésor d’apprentissage pour son lectorat. Climat historique et débats philosophiques au programme de cette lecture captivante, dont on ne veut plus se détacher. L’auteur livre à un lecteur émerveillé la période susdite sur un plateau d’argent liant ainsi l’utile à l’agréable – œuvre pouvant faire revoir à Platon son refus de l’inutilité fictionelle !

Personnages & Objet sacré

Autres points forts de ce thriller médiéval : ses personnages complexes et sa quête du sacré ponctuée de rencontres templières. L’auteur tisse une véritable personnalité à ses personnages les rendant humains et palpables. Ainsi aucun d’entre eux ne peut prendre la parole sans que l’on sache de qui il s’agit ! Andréas est un précepteur bourru et attachant auprès duquel on rêverait d’apprendre ; Robin est un élève loyal et courageux que l’on souhaiterait avoir pour ami ; et Aalis, la petite guerrière est futée et combative. Une femme qui prend son destin en main et à laquelle on aimerait ressembler dans nos moments de doute.
La quête d’Andréas de cet objet sacré – dont je tais raisonnablement la nature – par son mysticisme intrigue et captive en premier lieu. Puis, en qualité de lecteur, on parcourt le chemin avec le héros avançant sur les sables mouvants de la philosophie et de la quête initiatique. Les émotions sont au rendez-vous, tout comme le savoir. Deux balluchons humains promenés dans l’épopée saintloupienne pour notre plus grand bonheur !

En une phrase…

Ce roman est une putain de merveille ! 10/10 !

« Power » de Michaël Mention

 

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Résumé :

« Ici, comme dans les autres ghettos, pas d’artifice à la Marilyn, ni de mythe à la Kennedy. Ici, c’est la réalité. Celle qui macère, mendie et crève. » 1965. Enlisés au Vietnam, les États-Unis traversent une crise sans précédent : manifestations, émeutes, explosion des violences policières. Vingt millions d’Afro-Américains sont chaque jour livrés à eux-mêmes, discriminés, harcelés. Après l’assassinat de Malcolm X, la communauté noire se déchire entre la haine et la non-violence prônée par Martin Luther King, quand surgit le Black Panther Party : l’organisation défie l’Amérique raciste, armant ses milliers de militants et subvenant aux besoins des ghettos. Une véritable révolution se profile. Le gouvernement déclare alors la guerre aux Black Panthers, une guerre impitoyable qui va bouleverser les vies de Charlene, jeune militante, Neil, officier de police, et Tyrone, infiltré par le FBI. Personne ne sera épargné, à l’image du pays, happé par le chaos des sixties. Un roman puissant et viscéral, plus que jamais d’actualité.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Merci à Agnès Chalnot & à Stéphane Marsan Editions pour l’envoi de ce service-presse !
1ère image : les cofondateurs du BPP, Bobby Seale et Huey Newton, dans la tenue officielle du Parti.

2ème image : les membres du BPP lors d'une des nombreuses manifestations pour la libération de leurs leaders.

3ème image : un des repas hebdomadaires qui étaient organisés dans les locaux du BPP pour nourrir les enfants pauvres du quartier.
Quelle puissance ! Voici un livre qui ne laissera personne indifférent, que ce soit d’un point de vue historique en relatant toute l’oeuvre des militants pour la libération du peuple noir au XXe siècle, ou que ce soit par la plume de l’auteur qui d’un ton incisif joue avec tous nos sens dans ses lignes ! Cet ouvrage renferme l’histoire d’une quête difficile bien qu’humaine et évidente, emplie d’espoir et de violence. Une quête qui mit des années à se concrétiser et pour laquelle certains pays se battent encore. Ce livre relate l’espoir et la détermination de certains héros de l’Histoire qui ont su défier avec intelligence, malgré la violence souvent obligatoire, la bien trop conservatrice – voire inhumaine – « White America ». Un groupe d’hommes et de femmes qui ont subi pour la liberté des horreurs et qui n’ont jamais perdu de vue leur quête d’égalité. Ce livre renferme l’histoire de d’une Amérique pas si blanche que cela. Une Amérique qui après tant d’années a compris certaines erreurs – bien que pas toutes – mais une Amérique qui a su avoir un Président noir, une Amérique qui je pense aujourd’hui ferait moins honte à cette génération qui s’est battu pour. Une Amérique « Black & White », une Amérique de mixité, une Amérique de tous les possibles… Car normalement c’est ça l’Amérique ! Malcom X. Martin Luther King. BPP. Black Panthers Party for the Self Defense. Tous ceux qui se sont battus dans l’ombre. Bravo. Merci. Bien à vous. RIP.
Les flics se retournent, alertés par le bruit de leurs pas. Le groupe s’arrête à trois mètres et Sherman lance l’enregistrement. Les voyants armés, les agents dégainent. Leur prisonnier s’inquiète :
– Qu’est-ce qui se passe ?
– Ta gueule !
L’un le maintient de force, l’autre interpelle Bobby :
– Qu’est-ce que vous foutez là ?
– Bonsoir
– Je vous ai posé une question ! Et vos flingues ? Ils sont chargés ?
– Ouais. Si vous tirez, on tire.
Les policiers se crispent. De leurs lèvres s’échappe une vapeur saccadée. Celui à la torche revient à la charge :
– Pourquoi vous êtes armés ?
– Parce qu’on le droit, en vertu du deuxième amendement de la Constitution. Et nos armes ne sont pas dissimulées, conformément à la loi de Californie.
– Mais…vous…vous êtes qui ?
– On est le Black Panthers.
Vous l’aurez donc compris, l’auteur nous plonge en pleine rage des années 60 en débutant son roman avec l’assassinat de Malcom X, puis avec la création du Black Panthers Party par Bobby Seale et Huey Newton. Un voyage qui coupe le souffle grâce à la plume de l’auteur qui place ces coups avec style et originalité, passant d’un narrateur omniprésent au « je » des trois personnages principaux dans la deuxième partie. Un entonnoir narratif permettant à l’auteur de resserrer autour de nous l’indignation générale et mettant en exergue les sentiments grâce à cette entrée dans leurs pensées intimes qui sculpte la dureté des événements par leurs ressentis si différents :
  • Ceux de Charlène, jeune femme dont le caractère a été endurci voir fanatisé par la violence subie. Une fervente recrue qui ira jusqu’au bout, prête à mourir pour le Parti (ne voyez ici aucun spoil – je parle d’un trait de caractère).
  • Ceux de Neil, flic blanc qui subira aussi la violence de l’époque et façonnera son caractère autour de cette horreur des rues.
  • Ceux de Tyrone, indic’ recruté par le FBI pour infiltrer le BPP. Un personnage double qui subit lui aussi l’époque, et peut-être même encore plus de par son ambiguïté.
L’auteur met également un point d’honneur à nous entraîner dans l’atmosphère de cette époque en omettant aucun détail… Non seulement, son écriture tranchante, brutale et sèche renvoie directement à l’ambiance mais il ponctue également sa « fiction historique » de bout de réel discours, ainsi que de nombreux morceaux de musique révolutionnaires de l’époque tels « I’m Black and I’m Proud » de James Brown, ou encore « How Many More Time » de Led Zeppelin. Un brillant mélange englobant qui ébranle et nous fait vivre les événements. En clair, on s’y croirait… Alors ne le manquez surtout pas !

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Et pour la mémoire, voici le célèbre discours de Martin Luther King… « I have a dream » :

… Ainsi qu’un documentaire « All Power to the People »…

Et enfin, le lien vers un site dédié au BPP qui notamment donne accès à certains journaux du Parti :
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« Les Bûchers d’Isabelle la Catholique » de Didier Nebot

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Résumé : 

À travers l’histoire d’une pierre sacrée provenant du Temple de Jérusalem que se transmet de générations en génération la famille Tobias, ce livre relate les épreuves et les souffrances de cette famille juive en Espagne au siècle d’Isabelle la Catholique, jusqu’à son expulsion en 1492 vers le Maghreb.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Me voilà bien perplexe au sortir de cette lecture ! Si j’ai aimé suivre la famille Tobias sur plusieurs générations, j’ai été complètement déçu des derniers chapitres de ce roman et révolté par les deux derniers, ainsi que par le manque de rigueur dans la relecture avant impression de ces pages !
Pour être plus précise, j’ai réellement apprécié la retranscription historique romantisée à travers l’évolution de cette famille juive. C’est un fait que je ne peux pas retirer à l’auteur ! J’étais même encline à mettre une super appréciation à cette lecture car j’ai aimé sa plume à ce niveau…
Mais, Mais, Mais… Bien que l’on apprenne de nombreuses choses sur les mœurs juives d’un point de vue social et religieux ainsi que sur les nombreux massacres qu’ils ont subi, je trouve que le roman manque cruellement d’informations sur le plan politique – à l’exception des derniers chapitres avec l’arrivée d’Isabelle l’Infante (page 365) au pouvoir où là l’auteur nous accable de détails. La vision globale laisse donc le ressenti d’un auteur qui peine à se placer entre le roman et le roman « trop » historique ou essai historique comme l’a souligné le blog Topobiblioteca dans sa chronique de l’ouvrage. A cette ambivalence, vient s’ajouter les trop nombreuses fautes et inversions de mots qui à force rendent la lecture peu « professionnelle ».
Enfin, venons-en au dernier point qui a achevé mon avis et ma note. Les deux derniers chapitres nous renvoient en 2016 où l’on suit un descendant de la famille Tobias. Plusieurs passages de ces chapitres m’ont dérangés, voire révoltés par les propos tenus. Sans trop entrer dans les détails pour ne pas spoiler, j’ai trouvé culotter et même malhonnête de décrire les souffrances d’un peuple pour ensuite mettre les pieds dans le plat concernant le conflit israélo-palestinien. Je trouve dommage que l’auteur mette tant de cœur à témoigner pour rendre l’honneur légitime à ces familles qui ont souffert et en vienne ensuite à presque résumer un conflit qui dure depuis plus de 50 ans en deux chapitres. Ceci n’est aucunement une prise de partie, mon blog n’est pas là pour cela ! Mais je ne peux pas rester insensible à mon ressenti et je pense que ces deux derniers chapitres sont inutiles à l’histoire, d’une analyse grossière et surfaite de la situation, ainsi que limite-limite sur les propos tenus vis-à-vis de la communauté musulmane, voire même potentiellement dangereux dans un contexte sensible qui est le nôtre actuellement !
Je remercie néanmoins Babelio et l’édition Erickbonnier pour l’envoi de cet ouvrage et j’espère que mes propos ne seront ni déformés ni mal interprétés car ils sont tous accompagnés d’un profond respect et d’une envie d’amour, de paix et de fin de scission entre les Hommes !

 

« Au-revoir là-haut » de Pierre Lemaitre


Résumé : 

1918. Rescapés du chaos de la Grande Guerre, Albert et Edouard, deux amis liés par le sort; comprennent que la France, si elle glorifie ses morts, ne donne pas de place aux survivants. Condamnés à l’exclusion, ils imaginent alors une arnaque d’envergure nationale, d’une audace inouïe et d’un cynisme absolu.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Me voilà réconciliée et même complètement disposée à l’égard de Pierre Lemaitre grâce à cette oeuvre ! J’étais au départ sceptique n’ayant que peu appréciée « Trois jours et une vie » de l’auteur et titillée par la peur de la déception avec tout le foin que ce livre a reçu, mais il faut dire quand même que ce roman a de bons arguments pour se laisser convaincre ! De mon côté, ce n’est pas le Prix Goncourt qui m’a attiré mais pour commencer la période vue sous un autre angle, puis vos chroniques toutes plus belles les unes que les autres et enfin… la réalisation du film par Dupontel ! Au final, je viens avec cette chronique vous parler d’un coup de cœur qui m’a tiré les larmes, une tragédie coup de poing profondément humaine sur une période inhumaine. Un roman qui ne laisse rien au hasard et qui pourrait être le support d’une analyse poussée en littérature…
« Je te donne rendez-vous au ciel où j’espère que Dieu nous réunira. Au revoir là-haut, ma chère épouse… » Derniers mots écrits par Jean Blanchard, le 4 décembre 1914.
On suit deux protagonistes « centraux », Albert et Edouard, rescapés de guerre, du moins dans la forme… Car bien que le livre commence à la fin de la guerre et nous les présentes comme deux soldats qui ont survécus, ils restent deux écorchés de guerre marqués par celle-ci. La guerre est une ombre fantomatique qui poursuit les personnages et malgré l’armistice signé elle ne semble jamais finie, elle plane dans leurs vies marquées au fer dans leurs corps et leurs esprits comme une dépossession de soi. Pour l’un physiquement, Edouard qui a perdu la moitié de son visage en sauvant Albert, et pour Albert psychologiquement, sursautant à chaque bruit. Une vie donc qui se poursuit, mais sur les décombres que la guerre a laissé.
Autour d’eux viennent d’autres personnages tout aussi importants, le père d’Edouard, Mr Péricourt, riche et très haut placé ainsi que le lieutenant Pradelle, une sombre ordure qui réussi en piétinant les autres (je ne peux pas en dire plus…!). Deux personnages qui ont presque autant de place que nos deux héros et qui représentent disons le côté obscur : le mal, l’injustice et la luxure. Si pour le premier, la rédemption se fait sentir, l’autre restera une figure maléfique durant tout le roman. On se plait à le haïr de pages en pages, souhaitant toujours un peu plus sa déchéance. Face eux, deux autres figures apparaissent, comme leurs doubles bénéfiques, la sœur d’Edouard, Madeleine, et une bonne travaillant pour Mr Péricourt, Pauline, incarnation de l’ange dans sa douceur et sa pureté. Si je parais tant insister sur les notions bibliques, ce n’est pas anodin. En effet, j’ai vraiment ressentie à plusieurs passages du livre la référence à Dieu, au Paradis et à l’Enfer, cela dans la personnalité des personnages qui entourent Albert et Edouard ; dans la Maison Péricourt prenant tout l’espace, immense et représentant la Maison paternelle, la Maison du Père ; ou bien directement dans le champs lexical du roman tel que la phrase écrite plus haut par un soldat faisant référence à Dieu et ouvrant l’ouvrage, ou encore dans des passages précis. Mais encore une fois, je ne peux pas trop en dire, j’arrête donc l’analyse ici. Quoiqu’il en soit ou « ainsi soit-il », la moralité dans ce livre est la pierre angulaire et nos deux héros sont au milieu combattant leur propre moralité dans un monde totalement immoral, ce sera d’ailleurs le combat principal d’Albert durant tout le livre.
L’arnaque, quant à elle, n’est que secondaire. Elle sert seulement à alimenter l’histoire, qui cherche plutôt à analyser les mouvements du cœur humain dans l’après-guerre. Une analyse bouleversante de la société, de la désolation laissée par la guerre dans le cœur des hommes mais aussi dans leurs rapports aux autres. Cette guerre qui n’en finit pas malgré l’armistice et qui laisse sa trace. Pierre Lemaitre analyse donc la manière de chacun de tenter de dépasser la guerre (souvent en vain), d’avancer sur ce champs de cadavres Patriotiques. Mais également l’analyse d’un gouvernement tyran qui a envoyé SES « enfants » à la guerre et n’a que peu d’estime sur SES sacrifices, ne sachant que faire de tous SES morts, malgré l’apparat déployé. Un gouvernement qui fait semblant de s’intéresser, de glorifier SES morts par des monuments mais laissant SES rescapés à l’abandon peut-être pour écarter SES témoins gênants. Voilà, un autre aspect intéressant de ce roman : l’être et le paraître en maître-mots surplombant la désolation humaine et sociétale.
On retrouve d’ailleurs cela à travers Edouard qui quotidiennement se crée des masques pour recouvrir son visage meurtri par la guerre. Pour couvrir sa perte d’identité avec la perte de son visage comme les soldats morts sans nom qui eux ne retrouveront jamais leur identité. Des masques comme une possibilité de se réécrire, de se transformer en ce que l’on veut être… Du moins, en apparence ! Et une arnaque montée en tant que revanche sur la guerre dirigée vers l’Etat mais pas seulement car sans trop vous en dire la relation au père est également très importante dans cette histoire… 
Ce roman n’est pas seulement un roman, à la manière des premiers romans d’analyse du XVIIème, Pierre Lemaitre a su nous plonger dans une période assez éloignée pour être glorifier mais aussi assez proche pour être imprégnée en nous comme vraisemblable mêlant ainsi fiction et véracité avec brio. Une magnifique oeuvre contemporaine qui attire notre attention sur la guerre comme autre chose que des poilus dans des tranchées combattant les méchants Boches. Une vision élargie de ce que nous apprend le secondaire à travers nos livres d’histoire et nos monuments aux morts implantés  partout en France. Pour finir, je vous dirais seulement : lisez-le ! Et j’ai vraiment hâte de voir l’adaptation de Dupontel qui j’en suis sûre a su retranscrire magnifiquement grâce à son style le cynisme et la fatalité de cette histoire.

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Post-scriptum : Quel magnifique titre rendant hommage et honneur à ce soldat mort au front et écrivant pour la dernière fois à sa femme. Pour tout vous dire, rien que la découverte de ce titre et du pourquoi à l’entrée du roman m’a bouleversé. Je le trouve empli de poésie et d’amour. Un superbe adieu renfermant l’espoir de se revoir…

« Waringham – Tome 1 : La roue de la Fortune » de Rebecca Gablé

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Résumé :

1360. Robert de Waringham n’a que douze ans lorsqu’il apprend que son père est mort en France, accusé de traîtrise envers la couronne d’Angleterre. La guerre – qui durera cent ans – ne fait que commencer et celui que l’on surnomme Robin se retrouve sans famille, sans aucune ressource et avec l’honneur de son nom à laver.
Il décide pourtant de retourner sur ses terres et de se faire engager comme garçon d’écurie, sous le joug du nouveau comte et de son fils. Robin grandit et suit sa voie qui le ramène vite dans le monde de la Cour, de la noblesse et de la chevalerie. Aux côtés du charismatique duc de Lancastre, il vit des campagnes militaires, des révoltes et des triomphes politiques.
Il rencontre aussi des femmes aussi dangereuses qu’elles sont belles. Mais la roue de la fortune ne s’arrête pas de tourner et tandis qu’un jeune roi incapable menace de faire sombrer l’Angleterre, Robin se bat pour rester fidèle à ses valeurs et à son nom.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Aujourd’hui, je viens vous parler d’un livre que j’ai reçu en service presse. J’en profite pour remercier Agnès Chalnot et HC Editions pour cette belle découverte, qui n’est rien de moins qu’un sacré coup de cœur ! Je suis tellement impatiente que la suite sorte… Une vraie torture !!
Avec cette réception, j’ai été plongé dans la fin du Moyen-âge britannique et je me suis régalée. On y suit Robert qui du jour au lendemain apprend la mort de son père. Mais pas n’importe quelle mort… Une mort en traître de la couronne ! Robert (ou Robin comme on le surnomme) est dévasté par la nouvelle et perd en même temps que ce père aimé ses droits sur le fief familial. Malgré cela, il décide d’y retourner et d’y travailler comme palefrenier. De multiples aventures l’attendent, en plus du déshonneur, il devra supporter le fils du nouveau seigneur sur les terres qui devaient lui revenir, Mortimer qui deviendra son pire ennemi. Entre lutte de pouvoir à Waringham mais aussi dans l’Angleterre entre les Plantagenêts et les Lancastre, ce tome nous enracine dans la guerre de Cent Ans avec clarté et précision. Une véritable épopée chevaleresque attend notre héros, malgré les bas et les combats pour parvenir à faire tourner cette fameuse « Roue de la Fortune »
Je me suis beaucoup attachée au personnage de Robin qui représente le stéréotype même du chevalier médiéval. Fidèle et courtois, il poursuit ses ambitions et réhabilite son père auprès du roi sans jamais faiblir ou montrer sa peur. A contrario, Mortimer est l’antithèse de la chevalerie et nous peint le côté obscur de la noblesse de l’époque. Celle qui a les dents longues et ne cherche que le prestige et les avantages sans jamais engager son honneur, tournant et retournant sa veste au rythme du contexte royal. Bien que le contraste de ces deux personnages peut paraître simpliste par la représentation surfaite qu’il dépeint du bien contre le mal, j’ai été conquise par la véracité des faits. En effet, l’un comme l’autre sont les deux types de personnes qui existaient à cette époque et qui peuplaient les cours de nos chers rois. Alors, ne soyons pas tatillons et acceptons ce Yin et ce Yang pour sa valeur historique simplifiée 🙂
De plus en parlant de véracité des faits, je dois également souligner que l’auteure a mis un point d’honneur à sa documentation. Les conflits nationaux et internationaux (pour rappel, nous sommes en pleine guerre de Cent Ans entre la France et l’Angleterre) ainsi que les jeux de Cour et de pouvoir sont très bien retranscrits. Rebecca Gablé nous offre ainsi un beau paysage médiéval relatant les hiérarchies sociales, le jeu d’échec qu’était la délégation de fief et l’hommage à un seigneur ou encore les manières de vivre de l’aristocratie.
Pour finir, la plume de l’auteure est simplement addictive. Cela fait parti du « je ne sais quoi » de l’auteure pour notre plus grand bonheur ! A chaque prise en main du livre, il m’était quasiment impossible de pouvoir le reposer malgré ma fatigue et mes yeux qui se fermaient tout seul… En clair, foncez, faites-vous plaisir et n’ayez pas peur de vous perdre dans la multitude de personnages, un arbre généalogique ainsi qu’un récapitulatif des personnages figurent sur les premières pages du livre ! De quoi rassurer ceux qui ont peur de se perdre dans ce dédale historique 😉

coup de coeur


En bonus, pour vous donner encore plus envie de découvrir la vie de cette famille, voici l’arbre généalogie qui ouvre ce premier tome 🙂

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LC avec La Labyrinthèque – « Khadija » de Marek Halter

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Résumé : 

Khadija, prospère femme d affaires, est veuve. Pour conserver sa place au sein de la communauté des riches marchands de La Mecque, elle doit se remarier. Contre toute attente, son choix se porte sur un homme pauvre, inconnu et illettré : Muhammad ibn Abdallah. En dix ans de bonheur, le couple s affirme dans la société mecquoise. Khadija s’impose comme une femme d exception, tandis que la modération et la sagesse de Muhammad conquièrent les puissants. Mais une série de tragédies s’abat sur le pays. Khadija fait preuve d’un courage et d’une force inouïs. La paix revenue, Muhammad s’isole dans le désert et entend un jour la parole divine. Il croit devenir fou, mais Khadija saura se dresser contre tous pour faire entendre la parole nouvelle de son époux, et poser les fondements de l’Islam.

Mon avis :

Ce livre me tenait à cœur depuis longtemps et c’est avec plaisir que j’ai partagé cette lecture avec La Labyrinthèque ! Que, malheureusement, j’ai fait attendre… Encore désolée !
En passionnée d’histoire, mes cours me font plus souvent voyager en Occident. Alors bien sûr, l’Orient m’attire. Qui dit Orient, dit polythéisme de l’Arabie mais ensuite début de l’Islam : de la réception du message d’Allah par Muhammad, à sa diffusion et à l’Hégire qui marque le début du calendrier musulman. Ce livre m’a donc attiré pour son aspect historique mais aussi pour l’angle qu’il met en lumière, à savoir comme le nom de la trilogie l’indique : « Les femmes de l’Islam ». Bien sûr, je suis une femme quoi de plus naturel qu’une pointe de féminisme mais aussi, car souvent « derrière chaque grand homme, il y a une grande femme » ou comme le dit le proverbe arabe du début du roman « Si l’homme était un fleuve, la femme en serait le pont ». Ce proverbe résume bien le lien homme/femme qui se déroule sous nos yeux dans cette histoire… Mais venons-en au livre …
Khadija est la veuve la plus puissante de Mekka, mais malgré cela sa voix ne compte pas. Evidemment, c’est une femme. La tradition veut que les hommes décident, en Orient comme en Occident. Après une razzia dont sa caravane fût la cible, elle remet en cause son veuvage pour plusieurs raisons :
  1. La vengeance. La razzia a été commandée par un puissant de Mekka, Abu Sofyan, qui au même moment la demande en mariage, en énième épouse, pour mettre la main sur sa fortune.
  2. Le pouvoir et la sauvegarde. Sa cousine, Muhavija, la sermonne en lui expliquant qu’un remariage serait la meilleure solution pour elle, pour sa fortune, sa descendance et pour la représenter auprès des grands de la cité.
  3. L’amour et la protection. Elle sait au fond d’elle-même qu’elle est tombée sous le charme de Muhammad ibn ‘Abdallâh. L’un de ceux qu’elle a choisi pour accompagner sa caravane et qui a gagné la bataille lors de la razzia. Celui qui se fera tuer si Abu Sofyan apprend qu’il a tué un des siens. Le sang vengé par le sang.
Elle se laisse donc convaincre, non sans crainte d’être rejetée pour son âge. En effet, elle a une dizaine d’années de plus que Muhammad. Mais celui-ci accepte. Le mariage est célébré et leur amour en ferait rêver plus d’une. Muhammad est un homme aimant, courageux et fidèle. Khadija est une femme forte, indépendante et pleine d’amour pour son mari. Ensuite, on suit la vie de Mekka et ses drames. La vie de Khadija et Muhammad, la naissance de leurs enfants, leurs drames, leurs joies jusqu’au message reçu par Muhammad. Jusqu’à ce que Muhammad devienne le Prophète de cette belle religion qu’est l’Islam.
J’ai aimé cette lecture qui permet d’en apprendre plus sur les mœurs de l’époque et de mettre en avant cette femme qui nous prouve que malgré tout les femmes avaient de l’importance et pouvaient contrer les hommes à leur manière. Je me suis passionnée pour les personnages de Khadija et Muhammad mais aussi les esclavages très présents dans leur vie, comme des membres de la famille. J’ai souvent ri, pleuré et souri. Les chapitres courts et la plume fluide de l’auteur donnent envie de ne jamais pauser le livre. En revanche, j’ai trouvé le début un peu trop long et il m’a manqué la poésie et la magie orientale dans ces lignes. C’est peut-être idiot mais lorsque j’ouvre un livre sur l’Orient, je m’attends à la magie des «Mille et une nuits » et ici, je ne l’ai pas retrouvé. C’est donc pour ces petits regrets que je ne peux pas mettre le livre en coup de cœur, bien que pourtant je me sois délectée de cette lecture. Je ne tarderai pas d’ailleurs à me lancer dans la lecture de la suite : « Fatima », dernière fille au corps de garçon de Khadija et du Prophète, Muhammad.

L’avis de La Labyrinthèque :

Marek Halter rend hommage à une femme de caractère, dont l’amour et la finesse d’esprit imprègneront Muhammad, le futur prophète de l’islam.
Le rythme est assez lent, et ce n’est qu’à la moitié du roman que Khadija, déjà veuve, se marie à Muhammad, de dix ans son cadet.
Commerçant et dirigeant des caravanes, leur existence prospère jusqu’à une série de catastrophes qui frappe la Mecque : peste, sécheresse, pluies diluviennes. Alors que les grands dignitaires s’enfuient en pensant que leur dieu Hobal les a abandonnés, Khadija décide de rester.
De plus en plus dubitatifs quant à la puissance d’Hobal, Khadija et Muhammad apprennent bientôt, grâce à d’anciens parchemins de savoir, l’existence d’un dieu de parole, un dieu qui n’aurait aucune représentation humaine ou animale, et qui purifie les siens par les eaux. Peu avant la mort de Khadija, Muhammad obtiendra la révélation, dans une grotte du désert.
Ce roman permet de comprendre les mœurs et mentalités de l’époque, ainsi que la place réservée aux femmes ; si elles sont certes à l’écart de certains savoirs sacrés ou des assemblées officielles, elles n’en ont pas moins leur mot à dire, comme le prouve Khadija en gérant elle-même ses finances et en s’adressant aux foules pour les convaincre de la félonie des hauts dignitaires ayant fui La Mecque aux heures les plus sombres.
Le roman reste au final assez succinct quant aux évènements historiques, accordant plus de place à des conversations ou des détails qui malheureusement peinent à nous passionner pleinement.
En revanche, l’analyse de la vieillesse chez la femme, entre amertume, révolte et angoisses, est extrêmement réaliste et a le mérite de mettre en valeur une femme « mûre ».

 

« La leçon d’allemand » de Siegfried Lenz

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Résumé :

Enfermé dans une prison pour jeunes délinquants située sur une île au large de Hambourg, Siggi Jepsen est puni pour avoir rendu copie blanche lors d’une épreuve de rédaction. Ce n’est pas qu’il n’ait rien à dire sur le sujet « Les joies du devoir », au contraire… Bientôt lui reviennent à la mémoire les évènements qui ont fait basculer sa vie. Son père , officier de police, est contraint en 1943 de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures antisémites à l’encontre de l’un de ses amis d’enfance, le peintre Max Nansen (dérrière lequel on peut reconnaître le grand Emil Nolde). A l’insu de son père , Siggi devient le confident de l’artiste et va l’aider à mettre en sécurité ses toiles clandestines. Sa passion pour l’œuvre le conduit ainsi au refus de l’autorité paternelle et à une transgression (un vol dans une galerie) qui lui vaudra d’être condamné. Mais aux yeux de Siggi, le châtiment porte l’empreinte du zèle coupable de son géniteur.
572 pages

Extrait :

Personnellement, je tiens ma punition – assortie de réclusion et de suppression provisoire de toute visite – pour imméritée ; car je n’expie pas une insuffisance de mémoire ou d’imagination, bien au contraire, cette retraite m’a été imposée parce que, ayant obéi, m’étant mis en quête des joies du devoir, j’ai eu soudain trop de choses à dire ou, du moins, tellement de choses que je ne savais plus, malgré toute ma bonne volonté, par quel bout commencer.
Et, comme ce n’étaient pas des joies quelconques mais les joies du devoir que Korbjuhn voulait nous faire découvrir, décrire, savourer et, surtout célébrer, à qui d’autre pouvais-je songer sinon à mon père Jens Ole Jepsen, à son uniforme, à son vélo de service, à ses jumelles, à sa pèlerine, à sa silhouette voguant sur la crête de la digue, gonflée par l’incessant vent d’ouest.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Voilà une lecture qui me laisse perplexe ! Depuis que je l’ai fini je n’arrive toujours pas à me positionner vraiment sur mon ressenti, à savoir suis-je plutôt triste ou soulager de l’avoir fini… Incroyable mais vrai ! J’ai mis du temps à distiller le nuage de son ambiance et de ses personnages de mon esprit (du moins, plus de temps que pour d’autres lectures) car j’ai appris au fil des pages à les aimer pour diverses raisons, je m’étais même habituée à eux – je me suis sentie laisser sur ma fin – et en même temps, quel soulagement d’avoir fini le dernier mot de ce pavé !!! C’est donc une chronique un peu paradoxale que je vais vous écrire sur ce livre. Je ne peux décidément pas faire autrement :/
L’histoire et les souvenirs de Siggi qui lui reviennent – pour écrire sa rédaction sur « Les joies du devoir » – nous plongent dans une Allemagne restrictive en pleine Seconde guerre Mondiale, où son père doit faire appliquer les décisions du Reich et principalement celle de l’interdiction de peindre qu’il est assigné à faire respecter auprès de son ami d’enfance le peintre Max Ludwig Nansen. On navigue alors entre l’amitié sincère qui lie Siggi et le peintre, l’endoctrinement du père et le questionnement sur « le devoir aveugle et sans réflexion » qui en découle ainsi que la prise de position de Siggi, enfant à l’époque, face à ce père aux œillères immuables. J’ai vraiment aimé suivre cette histoire ainsi que les personnages tous plus réels les uns que les autres. Le récit ne traitant d’aucun faits de guerre sort du lot de toutes les lectures que j’ai pu avoir sur cette période atroce. Mais je ne peux pas parler de ce livre sans en venir aux descriptions minutieuses voir perfectionnistes de son auteur…
Et c’est là le hic, c’est là que je ne me positionne pas du tout. Le décor est décortiqué, les personnages sont scrutés, aucun détails ne manquent. On pourrait dire que l’écrit se veut aussi détaillé qu’une peinture, dont on parle durant tout le récit. C’est à la fois poétique, profond et hypnotisant mais sur 572 pages on peut largement se dire que l’histoire à proprement parlé tiendrait sur 200… Je me suis souvent essoufflée dans ce décor gris, je l’ai trouvé magnifique mais aussi lourd, long et ennuyeux. Je me suis perdue dans le dédale des mots, des idées, des divagations qui pour aller d’un point A à un point B ne font que slalomer en s’arrêtant sur chaque détails – parfois insignifiant. Alors je ne peux qu’affirmer mon soulagement d’en avoir fini avec la lourdeur et la lenteur de ce livre.
Bien que je sois soulagé d’être passé à une autre lecture, je reste tout de même très contente d’avoir été au bout de ce récit que j’ai apprécié pour sa profondeur. Je ne saurai vous dire s’il faut vous jeter dessus ou l’éviter, mais une chose est sûre si vous n’aimez pas la description, ne vous y aventurez pas : vous deviendriez fous 🙂
Les + : un questionnement profond sur l’endoctrinement et des descriptions superbes mettant la nature et surtout la mer à l’honneur.
Les – : des descriptions exceptionnellement longues qui donnent au récit une lourdeur et une lenteur monumentale.

Livre lu dans le cadre du Challenge 1 pavé par mois organisé par « Des livres, des livres »

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Merci à Bianca pour ce challenge !