Archives de Catégorie: Coup de coeur
« La ballade de Lila K » de Blandine Le Callet
Résumé :
Une jeune femme, Lila K, fragile et volontaire, raconte son histoire. Un jour, des hommes en noir l’ont brutalement arrachée à sa mère, et conduite dans un Centre, mi-pensionnat mi-prison, où on l’a prise en charge. Surdouée, asociale, Lila a tout oublié de sa vie antérieure. Son obsession : retrouver sa mère, recouvrer sa mémoire perdue. Commence alors pour elle un chaotique apprentissage, au sein d’un univers étrange dans lequel les livres n’ont plus droit de cité…
Extrait :
Ils n’ont pas mis longtemps avant de s’apercevoir que j’étais exceptionnelle. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est écrit dans le compte rendu qu’ils ont adressé début mars aux membres de la Commission : A appris à lire en un mois. Une mémoire stupéfiante, et des performances étonnantes en calcul mental. Encore des problèmes de maîtrise du graphisme, mais améliorations constantes.
Ils m’ont fait passer tout un tas d’examens et d’évaluations. J’ai trouvé ça facile. Les résultats ont dit que j’étais surdouée. Ils ne voulaient pas le croire. Ils ont refait les tests, plusieurs fois, afin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’erreur. Mais non, c’était bien ça. Aucun doute possible: j’étais ce qu’on appelle un cas, d’autant plus extraordinaire que mon passé aurait dû faire de moi une arriérée mentale.
Les membres de la Commission étaient très ennuyés : ils avaient sur les bras une vraie bête curieuse. Surdouée, asociale, polytraumatisée. Personne ne savait ce qu’il fallait faire de moi. C’est là que M. Kauffmann est entré en scène. Il a changé ma vie.
Mon avis : ♥♥♥♥♥
Une merveille, une pépite !! Je l’ai dévoré tout cru. Lila, que la vie n’a vraiment pas épargné nous livre toutes ces pensées et son être à travers ses lignes. Enlevée à sa maman très jeune, on apprend en même temps qu’elle son parcours et les réponses aux questions qu’elle se posent. On suit sa réhabilitation physique, mentale et humaine mais aussi son attachement pour les différents personnages, ainsi que ses angoisses quotidiennes. Le texte écrit à la première personne nous implique directement en elle, et c’est avec ravissement (malgré l’horreur) que l’on découvre toute la poésie qu’elle possède ainsi que l’amour profond qu’elle a pour sa mère. Puis arrivé à la moitié du roman, elle s’adresse directement à nous avec un « vous » destiné à la personne pour qui elle écrit toute son histoire depuis le début, ça donne encore plus de dimension à notre implication. Je me suis sentie comme une amie qui écouterait les déboires et l’histoire de vie d’un proche. Du coup, je sors de cette lecture avec un attachement particulier à Lila. Non pas en tant qu’héroïne mais en tant que Lila. Lila K. Aussi franche du collier, torturée, angoissée et malmenée par la vie que douée d’un amour littéral pour sa mère, d’une capacité humainement somptueuse de pardon et de poésie.
Les personnages, quant à eux, sont tout aussi attachants. M. Kauffmann, thérapeute, qui sera le premier à apprivoiser Lila. Drôle, touchant et libre, dévoile la personnalité de Lila et lui apprend à se connaître. Fernand qui épaule M. Kauffmann dans sa thérapie, la suivra coûte que coûte. Lucienne, la femme de Fernand, qui aura de grandes conversations avec Lila, ou encore Pacha, le chat multicolore qui sera son protégé. D’autres personnages arrivent dans l’histoire et seront tout aussi déterminants, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir… Les chapitres sont assez longs car ils se présentent sous le nom de chaque personnages ou institutions, mais je vous rassure on a pas envie de lâcher le livre pour autant, bien au contraire.
A travers toute cette histoire, il y a aussi une présentation d’une société future complétement déviante qui nous envoie dans les années 2100 et est très intéressante. Dans cet univers, tout est contrôlé, les moindres faits et gestes de la population mais aussi l’hygiène, la sexualité, la littérature… Une possibilité terrifiante !
En enlevant la société dans laquelle évolue Lila, le style et la présentation du texte à la première personne m’ont fait pensé au livre « Le bizarre incident du chien pendant la nuit » de Mark Haddon que j’avais adoré également. J’ai retrouvé l’humour, la sensibilité ainsi que le traumatisme imposé par les évènements aux personnages dit « atypiques » (pour l’un asociale maladif et pour l’autre, atteint du syndrome Asperger). En bref, un trésor et un nouveau coup de cœur =)
Je ne ferais pas de + et – pour ce roman car réellement, je n’ai rien à lui reprocher, il est juste divin.
« Le portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde
Résumé :
« Le héros de l’unique roman d’Oscar Wilde doit rester éternellement jeune : son portrait seul sera marqué progressivement par le temps, les vices, les crimes, jusqu’au drame final. Dans ce chef-d’œuvre de l’art fin de siècle (1890), l’auteur a enfermé une parabole des relations entre l’art et la vie, entre l’art et la morale, entre le Bien et le Mal. »
Extrait :
Hallward blêmit, et lui saisit la main. « Dorian, Dorian ! s’écria-t-il, ne parle pas ainsi. Je n’ai jamais eu d’ami tel que toi, et je n’en aurai jamais. Tu n’es quand même pas jaloux de simples objets, toi qui es plus beau que n’importe lequel d’entre eux?
– Je suis jaloux de tout ce dont la beauté ne périt pas. Je suis jaloux de ce portrait de moi que tu as peint. De quel droit garderait-il ce que je dois perdre? Chaque minute qui passe m’enlève quelque chose pour le lui donner. Ah ! si ce pouvait être l’inverse ! Si le portrait pouvait changer, et moi rester éternellement tel que je suis à présent ! Pourquoi l’as-tu peint? Un jour viendra où il fera rire de moi, rire de façon effroyable ». Des larmes brûlantes se pressaient sous ses paupières; il libéra brutalement sa main et, s’affaissant sur le divan, il plongea son visage dans les coussins, comme pour prier.
« Voilà le résultat de votre travail, Harry », dit le peintre d’une voix amère.
Lord Henry haussa les épaules. « C’est là le véritable Dorian Gray, voilà tout.
Mon avis : ♥ ♥ ♥ ♥ ♥
Oscar Wilde, dandy par excellence, signe cet unique roman de l’esthétisme dont il a le secret et qu’il affectionne tant. Il nous livre aussi par son personnage la bataille à laquelle se livre son esprit face à ce narcissisme naissant à l’époque ainsi que ce courant de dandysme dont il fait parti.
Dans ce livre, le candide Dorian Gray jeune et beau comme un Dieu va faire la connaissance de deux personnages qui vont être déterminant dans son existence. L’un, Basil Hallward, peintre et ami de Dorian, décide de faire le portrait du jeune homme avec un attachement et une admiration indescriptible. L’autre, Lord Henry Wotton, dandy et manipulateur, va l’encourager, sous prétexte que la beauté soit éphémère, à s’éloigner de son innocence et à se plonger dans la perversité. Suite à une remarque ironique de Lord Henry, Dorian prend donc conscience qu’il vieillira et que sa beauté s’effacera. Son orgueil touché il émet le souhait que le tableau vieillisse à sa place. C’est alors que Dorian revoyant son portrait se rend compte que sa demande à été exaucé et que celui-ci vieilli et devient laid à sa place. C’est la l’intrigue du roman, plus Dorian Gray s’éloigne de son innocence plus le tableau devient laid, une dissociation s’installe donc peu à peu entre l’image de beauté renvoyé par le personnage et l’image immonde de son âme représenté par le tableau.
Par ce roman psychologique et dénonciateur de son temps, Oscar Wilde signe un chef-œuvre qui lui vaudra, malheureusement, beaucoup de déboires et une censure encore d’actualité.
Les + : Une histoire entraînante et des descriptions magnifiques de beauté et de finesse
Les – : Les descriptions pour les non-amateurs peuvent s’avérer longues
Article écrit dans le cadre du challenge XIXeme siècle organisé par « Dans le manoir au livre »
Film « Dorian Gray » de Olivier Parker