Vipère au poing – Hervé Bazin

Découverte Classique – Éditions Le Livre de Poche – Prix 4,60 €

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Vipère au poing, c’est le combat impitoyable livré par Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, et ses frères, à leur mère, une femme odieuse, qu’ils ont surnommée Folcoche. Cri de haine et de révolte, ce roman, largement autobiographique, le premier d’Hervé Bazin, lui apporta la célébrité et le classa d’emblée parmi les écrivains contemporains les plus lus.

Haine & Maltraitance

C’est l’histoire de la Famille Rezeau. Vieille famille bourgeoise, héritière de privilèges, et vivant dans le château de La Belle Angerie. Mais plus précisément, c’est l’histoire d’une haine profonde entre un fils et sa mère. Mme Rezeau, née Pluvignec, est une femme odieuse, cruelle et rigoriste qui va faire vivre un enfer quotidien à ses trois enfants, dont Brasse-Bouillon, ou Jean, notre narrateur. 
D’abord, peureux et craintif, il se questionnera à de nombreuses reprises sur cette mère sadique et sans affection, rebaptisée Folcoche. Puis, en grandissant, Jean se révèlera être formidablement doué pour entrer dans le jeu maternelle, un jeu d’échec sombre et malsain se lance ainsi entre mère et fils. Un bras de fer allant même jusqu’à l’idée d’un assassinat ! Si le lien maternelle est en toute normalité construit par l’amour, ici c’est la haine qui le tisse et le consolide. Brimades, violences physiques et mentales, la mère ne recule devant rien pour imposer son autorité face à ce fils rebelle. Un enfant insoumis porté par sa volonté de vengeance, gravant un V.F – Vengeance Folcoche – sur chaque arbre qu’il croise, mais un fils ressemblant finalement énormément à cette mère si détestée… 

Rupture & Renouveau

Au delà de cette haine prégnante, un autre bras de fer se joue dans ce roman. Celui d’une époque révolue qui se manifeste de deux manières différentes : d’abord par le passage de Jean de l’enfance à l’adolescence. Un passage forgé par la haine dû à une innocence brisée dans le vif et l’obligation de survivre par la combativité. 
Mais en arrière plan de cette relation pernicieuse, c’est aussi toute une époque qui agonise, celle des privilèges. Cette famille issue d’une grande lignée de bourgeois – voire d’aristocrates – voit l’abolition de cette vie d’antan. Agonie d’une vie oisive et d’une éducation austère et rigoriste, mais aussi époque de l’avènement ouvrier. Triste époque pour les bourgeois donc, qui tentent de se raccrocher aux dernières particules de leurs prérogatives et refusent de voir la vérité en face. 

En une phrase…

Un roman viscéral ! À lire absolument ! 10/10 !

Le Consentement – Vanessa Springora

Découverte Actualité – Éditions Grasset – Prix : 18,00 €

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Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin «  impérieux  » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
«  Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence  : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre  », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.

Amour & Fracture

Cet ouvrage m’a chamboulée… Non seulement, en tant que femme, mais il m’a aussi rappelé ma fragilité adolescente ainsi que celle des loulous dont je m’occupe quotidiennement. Je dirais que ce livre est la réclamation intense de panser une blessure et que cette volonté se manifeste tout le long des pages. Un cri muet qui résonne dans chaque parcelle de notre humanité.
Vanessa nous raconte, avec toute la fugue de l’adolescence, son histoire d’amour ; oui, d’autres mots serait une ineptie, parce qu’il s’agit bien de cela de son côté. Elle retranscrit avec justesse le portrait de cet homme dont elle est tombée amoureuse et l’on peut ressentir chaque émotion à travers ses mots : le plaisir d’être regardée par un homme, puis celui d’être mise en avant ; l’admiration qu’elle éprouve pour son ethos d’écrivain ; le besoin de se sentir importante pour un homme lorsque le père est absentéiste ; le fil terrible du passage entre l’enfance et l’adolescence ; le mal-être et le besoin d’exister à travers les yeux de quelqu’un… Bref, un concentré d’adolescence pur livré en pâture à un homme malsain et expert dans son aliénation. Puis, Vanessa ouvre les yeux sur cet homme, et là, c’est la descente aux enfers, la facture intérieure. La honte et la culpabilité lui atterrissent sur les épaules tandis que ce salaud – pardon mais je n’ai pas d’autre mot – se pavane sur les chaînes TV salué par la critique pour sa plume ! Une plume qui n’épargne aucun détail de sa décadence sexuelle : Matzneff est « un homme à minettes » et on l’adule pour ça.

Scandale & Abus d’autorité

Bien que je connaisse le contexte social de l’époque – libération sexuelle, explosion de l’interdit, volonté d’émancipation – je n’en arrive pas plus à comprendre comment on a pu accepter cela. Un homme de 50 balais qui raconte dans ses ouvrages comment il sodomise des gamines et des gamins de 15 ans ? C’est ça, l’art et la littérature ? Une cachette pour dépravé ? Et quand j’ai lu les noms de ceux qui ont défendus par pétition le droit pour les mineurs d’avoir des rapports sexuels avec des adultes.. C’est bien simple le livre m’est tombé des mains. Un scandale qui n’a pas assez éclaté à mon goût. Comment peut-on laisser tout ça croupir et pourrir ? C’est insupportable.
Matzneff a abusé de son autorité pour satisfaire ses désirs luxurieux. Matzneff a saccagé la vie de ces mômes. Matzneff a harcelé Vanessa toute sa vie sans lui laisser de repos. Matzneff a possédé ses enfants jusqu’à les mettre en scène par écrit et les enfermer dans des livres vendus en masse. Matzneff est en Italie plutôt que de répondre de ses actes. Matzneff se plaint d’être détruit socialement. Matzneff me fout la gerbe.

En une phrase…

Un livre vital !

 

« La nuit de feu » d’Eric-Emmanuel Schmitt

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Résumé :

« Je suis né deux fois, une fois à Lyon en 1960, une fois dans le Sahara en 1989. ». Une nuit peut changer une vie.
À vingt-huit ans, Éric-Emmanuel Schmitt entreprend une randonnée à pied dans le Sahara en 1989. Parti athée, il en reviendra croyant, dix jours plus tard. Loin de ses repères, il découvre une vie réduite à la simplicité, noue des liens avec les Touareg. Mais il va se perdre dans les immenses étendues du Hoggar pendant une trentaine d’heures, sans rien à boire ou à manger, ignorant où il est et si on le retrouvera. Cette nuit-là, sous les étoiles si proches, alors qu’il s’attend à frissonner d’angoisse, une force immense fond sur lui, le rassure, l’éclaire et le conseille.
Cette nuit de feu -ainsi que Pascal nommait sa nuit mystique- va le changer à jamais. Qu’est-il arrivé ? Qu’a-t-il entendu ? Que faire d’une irruption aussi brutale et surprenante quand on est un philosophe formé à l’agnosticisme ?
Dans ce livre où l’aventure se double d’un immense voyage intérieur, Éric-Emmanuel Schmitt nous dévoile pour la première fois son intimité spirituelle et sentimentale, montrant comment sa vie entière, d’homme autant que d’écrivain, découle de cet instant miraculeux.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Ce livre est le résumé d’un voyage, un voyage durant lequel EES se rencontre, rencontre sa foi et une nouvelle confiance en la vie. Il part à 28 ans pour une expédition dans le désert du Hoggar, sur les traces de Charles de Foucault (célèbre prêtre, ermite, vénéré en Algérie et mort en martyr). Ils sont dix à parcourir le désert à pied pendant 10 jours, guidés par un américain et un touareg. Chacun est présent pour des raisons diverses, Eric y va afin de se documenter sur Foucault pour les besoins d’un futur film sur l’homme. Mais c’est avec la foi qu’il reviendra de ce voyage qui le marque à vie.
Au delà des paysages magnifiques que décrits l’auteur et de sa plume poétique et captivante, ce roman autobiographique est un véritable cheminement philosophique sur le IL, le Créateur que nous appelons communément Dieu. Cette pensée philosophique et spirituelle se développe au travers de nombreux dialogues, parfois avec lui-même dans ses propres pensées, mais aussi avec une des participantes profondément croyante ou encore avec le touareg qui les accompagne, ces dialogues étant encore plus poétiques du fait qu’ils sont presque muets et liés à l’instinct. C’est un superbe ballet entre eux que nous offre l’auteur, un échange fraternel, un amour de l’autre malgré la barrière de la langue. Grâce à ces différentes rencontres, jusqu’à l’ultime – celle d’avec lui-même – sa pensée sur Dieu se questionne et se transforme.
Au départ sceptique, il se pose en professeur de philosophie nous balançant cette superbe phrase : « Dieu n’existe que sous la forme de sa question » puis il discute, argumente, se questionne tout de même mais sans vraiment ébranler son athéisme. Puis, viens le moment où il se perd, porté par trop de zèle, au milieu du désert. Il croit mourir et nous raconte un moment particulier de fusion avec l’univers, comme une rencontre avec Dieu, il est illuminé. Suite à cela, il retrouve courage et son point de vue sur le IL change. On assiste alors à la fin du cheminement philosophique, à l’anti-thèse du début. Et si Dieu existait ?
L’instant mystique et initiatique ne fait que deux pages, EES l’a écrit – je pense – simplement car il était nécessaire d’en toucher deux mots pour raconter le bouleversement qu’il a eu pendant ce voyage. Plus comme une nécessité de compréhension de l’histoire que comme une finalité du roman. Cela parait si personnelle que ces deux pages sont précisément ce qui suffit à l’ouvrage pour être encore plus mis en valeur. Modeste et humble, l’auteur se livre sans chercher à convaincre.
De mon côté, j’ai été profondément ébranlée par cette lecture qui m’a poussé dans mes retranchements d’athée convaincue, maintenant plus si convaincue. Et malgré y avoir pensé et repensé, j’ai trouvé très délicat de parler de ce livre. Je ne suis pas sûre d’avoir trouvé les mots justes, je crois que cet écrit est fait pour être lu et non pour être raconté ou commenté… J’espère néanmoins vous avoir donné envie !

coup de coeur

 

 

« Un roman français » de Frédéric Beigbeder

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Résumé/Extrait :

C’est l’histoire d’un grand frère qui a tout fait pour ne pas ressembler à ses parents, et d’un cadet qui a tout fait pour ne pas ressembler à son grand frère.
C’est l’histoire d’un garçon mélancolique parce qu’il a grandi dans un pays suicidé, élevé par des parents déprimés par l’échec de leur mariage.
C’est l’histoire d’un pays qui a réussi à perdre deux guerres en faisant croire qu’il les avait gagnées […].
C’est l’histoire d’une humanité nouvelle, ou comment des catholiques monarchistes sont devenus des capitalistes mondialisés.
Telle est la vie que j’ai vécue : un roman français.

Mon avis : ♥♥♥♥♥

Frédéric Beigbeder signe ici le plus beau de ses romans ! Encore une autobiographie mais celle-ci nous fait découvrir un autre Beigbeder – ce personnage cynique et cinglant, parfois dans la limite de l’arrogance et tête à claques pour certains – nous montre ici une sensibilité qu’on ne lui connaissait pas. Clairement, on aime ou on aime pas moi en tout cas j’adorais déjà et c’est avec plaisir que j’ai rencontré ce nouvel aspect de lui, moins sale gosse et moins superficiel dans sa provocation, quelqu’un de plus doux voir plus sage qui est simplement lui devant nous et qui assume ses points de vues… Toute chasse gardée évidemment, son cynisme est toujours présent et heureusement ! En tout cas, un homme mis à nu qui nous livre ses émotions enfantines, ses désillusions, sa recherche d’identité luttant contre une amnésie infantile freudienne. Il surf à travers ces souvenirs et nous les offre en vérité brute avec une sincérité parfois sèche mais toujours émouvante. Cette autobiographie rime comme une sorte de thérapie que l’auteur s’impose à lui-même.
Le livre traite de la vie dans son ensemble, une vie ressemblant à tant d’autres et le thème des chapitres est divers : on passe par la famille, les pères, les mères, le mariage, la séparation du point de vue des parents et des enfants, les non-dits, la lecture, les coups de gueule couillus, la drogue… Et à travers cette vie disséquée, il y a également l’avancée de la société et son impact sur la vie… sur les vies !
J’ai eu souvent les larmes aux yeux en parcourant ces lignes, j’ai aussi beaucoup ri ou parfois été indignée mais une chose est sûre lui seul me procure le sentiment de me retrouver dans ses mots, son cynisme intelligent et sa fatalité me prenne à la gorge et à chaque coup me font me dire : mais ouais c’est ça je suis complétement d’accord avec toi ! Résultat : mon pauvre livre est crayonné de gris par mes soulignements intempestifs et est post-ité de partout !! Mais vous me direz un livre doit vivre et sa vie c’est ça, nous éblouir et nous marquer – et moi ne pouvant l’éblouir je lui rend comme je le peux en le marquant de ses moments marquants et en espérant qu’il traversera le temps.
Voilà je vous est présenté mon coup de cœur du mois 🙂

coup de coeur