Blog en pause !

Bonjour à tous,
Suite aux circonstances, je vous écris un petit mot pour vous faire part de la mise en pause du blog ! En effet, pour ma part, celles-ci entraînent une réorganisation de travail…  Bien que mon emploi soit mis en parenthèse, les journées avec le loulou et ses devoirs à faire laissent peu de place à une véritable concentration sur mes dossiers universitaires ! D’autant que les professeurs face à la fermeture des universités nous demandent un travail personnel plus conséquent. Je préfère donc me concentrer sur lui, ainsi que sur la validation de mon M1. Je vous souhaite à tous bon courage et bonne santé !
Je resterai active sur Instagram pour laisser tout de même une trace de mes lectures pour ceux qui souhaite continuer à me suivre 🙂
A bientôt !!

Le signal – Maxime Chattam

Découverte Shopping – Editions Pocket – Prix 9,95 €

IMG_20200302_075023_315

La famille Spencer vient de s’installer à Mahingan Falls.
Un havre de paix.
Du moins c’est ce qu’ils pensaient….
Meurtres sordides, conversations téléphoniques brouillées par des hurlements inhumains et puis ces vieilles rumeurs de sorcellerie et ce quelque chose d’effrayant dans la forêt qui pourchasse leurs adolescents…
Comment le shérif dépassé va-t-il gérer cette situation inédite?
Ils ne le savent pas encore mais ça n’est que le début…
Avez-vous déjà eu vraiment peur en lisant un livre ?

Personnages & Adolescence

On suit la famille Spencer, nouveaux propriétaires d’une immense demeure rebaptisée la Ferme, dans leur emménagement à Mahingan Falls. La famille se compose du père, Tom et de la mère, Olivia ; ainsi que de deux adolescents : Chad, leur fils et Owen, le neveu d’Olivia fraîchement orphelin ; et pour finir, de la petite dernière d’à peine deux ans, Zoey. On voit évoluer cette famille et l’on ne peut que s’identifier à ces personnages profondément travaillés. Non seulement on s’attache vite à eux, mais surtout on y croit et c’est, me semble-t-il, une des plus belles forces du livre. 
J’ai vraiment aimé vivre auprès de cette famille soudée ayant pourtant des fêlures importantes comme le décès prématuré de la soeur d’Olivia. Et bien que je ne peux nier l’existence de certains clichés et d’une maturité presque irréelle des deux ados, je clame haut et fort que cela ne m’a pas dérangé tellement s’était bien construit. Pour finir, l’adolescence est brillamment pointée du doigt et la débrouillardise de ces gamins est surprenante, osée mais exaltante ! Un bon combo donc, même si je conçois que certains soient restés dubitatif sur ces ados si héroïques…

Fantastique & Horrifique

Que les choses soient dites de suite… j’ai dormi avec la lumière pendant une semaine de peur de voir surgir dans le coin de ma chambre une créature inhumaine prête à me dévorer toute crue ! Je me suis régalée avec mes frayeurs livresques tout au long de ma lecture et je peux assurer avoir retrouvé cette même satisfaction étrange qu’en lisant un King. Oui, oui… rien de moins ! Je pense que Chattam, que j’ai découvert avec ce roman, mérite le titre de King français et je vais m’expliquer…
Quand vous ouvrez un King, vous savez que l’extraordinaire va surgir de l’ordinaire, que l’atmosphère si réelle va subtilement découvrir une faille irréelle qui va vous prendre aux tripes et vous collez votre frayeur tant recherchée… Et bien ici c’est pareil. Chattam a réussi cet exploit de faire émerger de l’irréel dans le réel, si bien que notre propre réalité est remise en cause et se voit troubler par nos frayeurs. C’est chacune de nos vies qui sont dépeintes dans les premières pages… Qui n’a jamais déménagé et écouté les bruits de la nouvelle demeure avec inquiétude ? Qui n’a jamais eu de frissons en se demandant le passé du domicile et sa potentialité de drames ? Osez donc entrer dans vos peurs, c’est ce que propose Chattam ! 

Lieu & Mystère

Pour ceux qui me connaissent vous savez à quel point je raffole d’histoire donc vous ne serez pas étonnés que je mette en évidence le récit historique de la petite ville de Salem sur laquelle l’auteur s’appuie pour écrire cette histoire de fantômes ! Un véritable bonheur de suivre les traces des sorcières de Salem et que l’auteur s’en inspire pour nous effrayer mais aussi construire cette drôle d’histoire dont je ne veux pas trop vous en dire ! Un lieu mystérieux enfermant un mystère bien plus grand que supposé. 
Je ne soulèverais qu’un seul bémol, la grosseur des choses et des morts que parfois j’ai trouvé un peu lourde. Disons qu’à la dixième mort, bien grade et cruelle, on se lasse un peu du récit trash ! De plus,  il est vrai que la résolution peu paraître un peu tirée par les cheveux, mais il n’empêche que j’ai passé un très bon moment et que je vais très vite réitérer l’expérience CHATTAM !!

En une phrase…

À lire pour les fans de fantastique et d’horrifique ! 7/10 !

Histoire Littéraire #2 – L’amour courtois

Bonjour ami(e)s littéraires,
Je reviens aujourd’hui avec un deuxième article d’histoire littéraire, le premier ayant reçu un très bon accueil et une demande de poursuite ! Je me plie donc à votre gentillesse pour ma plus grande joie ! Je rappelle, néanmoins, que ces dires n’ont pas vocation d’être clôturé sur eux-mêmes, ils aspirent à l’échange, au débat et à l’enrichissement. Alors, n’hésitez pas si je me trompe, si vous avez des questions, si le sujet abordé implique des frontières mobiles – comme c’est souvent le cas en littérature – et que vous souhaitez en débattre, je suis toute ouïe !

IMG_20191230_182207_744


Pour continuer dans la littérature médiévale, si on parlait d’amour courtois ? Mais qu’est-ce donc que cela ?
Avant toute chose mettons au clair le mot « courtois » car je pense qu’il n’est pas nécessaire d’éclaircir le mot amour ! Ce mot vient de l’ancien français « cort » signifiant « cour ». Ainsi, il fait une référence directe à ce qui vient de la Cour et représente un idéal de comportement et un art de vivre en société propres aux nobles. Cet idéal se verra diffuser dans toute la littérature médiévale du XIIe et XIIIe. Matérialisé mais aussi controversé, on peut dire qu’à l’époque on ne badine pas avec l’amour courtois !
Dans la suite de cette moralité courtoise, l’amour courtois se voit qualifié d’amour raffiné, noble et subtil ; proposant une inversion des rôles entre homme et femme, où la femme devient supérieure à l’homme moralement mais aussi socialement – pour la plus grande joie des féministes, GIRL POWER haha – et où l’amant doit atteindre la perfection de la dame pour obtenir la récompense charnelle… ou pas ! Si je dis « ou pas », il y a une bonne raison… 
Eh bien, oui ! Avec la fin’amor, autrement dit amour parfait, déclamé par nos chers troubadours ; il convient de proclamer ce fameux « OU PAS » ! En effet, la fin’amor associe l’amour au désir, et donc vous l’aurez compris  : pas de désir assouvi sans extinction dudit désir. Ainsi nos tendres amants sont condamnés à la souffrance de leur amour. La fin’amor se dépeint donc comme un amour contrarié car non partagé, secret et devant affronter de nombreux obstacles pour obtenir l’ultime récompense, sans aucune certitude de l’obtenir. Le cadre de cet amour est un triangle amoureux (adultérin) rendant les choses encore plus compliquées, une exposition constante au danger d’être dévoilé et la souffrance amoureuse comme thème central. On retrouve dans cette littérature des topoï – thèmes – propres au lyrisme appelés des motifs :
  • Motif de la reverdie ou du renouveau printanier : mise en avant d’un élément renvoyant au printemps et assumant un double rôle, celui d’un dynamisme que le printemps insuffle, et celui du lieu où le poète chante.
  • Motif de la maladie amoureuse : ensemble de symptômes psychosomatiques visibles et reconnaissables renvoyant à l’amour et pouvant aller jusqu’à l’aliénation – du genre le héros va presque perdre le combat parce que la dame lui ôte son souffle et lui déclenche une tachycardie incontrôlable, vous voyez le topo ?
  • Motif de la blessure d’amour : comme un coup de foudre, les yeux de la dame envoie une flèche dans le coeur de l’amant et le blesse d’amour. 
Bien sûr, je ne vous ai donné que les principaux – histoire que vous ne vous endormiez pas en cours de route – mais d’autres existent ! La fin’amor évoquée ici est surtout utilisée dans les chansons courtoises, mais, mais, mais ! Le roman s’y met aussi et celui que l’on peut désigner comme le roman courtois par excellence est le Roman d’Énéas. C’est une adaptation de l’Énéide qui se lie à une volonté de représenter l’amour courtois. Néanmoins, c’est avec le roman que les choses se corsent et que la controverse de l’amour courtois pointe le bout de son museau transformant le « ou pas » en « peut-être bien », voire même en « bien sûr » !

Controverse ? Qu’ouïe-je ? Se serait-on permis de critiquer la courtoisie ?
Tout commence avec Tristan et Iseut, célèbre couple formant le mythe d’une passion destructrice ! Tristan est un bien un héros courtois ; Iseut, une princesse, donc plus élevée que son futur amant et un triangle amoureux est bien présent – il sera même quadrangulaire avec Iseut, son mari, Tristan et sa femme. Mais alors qu’est-ce qui coince me direz-vous ? Eh bien, de nombreuses choses à vrai dire : déjà l’amour va naître entre les deux amants sous l’effet d’un philtre d’amour, une influence extérieure donc et non pas le fruit d’un regard et d’un choix amoureux ; de plus, j’ai bien dit l’amour va naître entre les deux… Alors que l’amour courtois n’est censé être qu’unilatéral, il est ici réciproque, et consumé de surcroît dès le début ! Il y a donc souffrance partagée et consommation charnelle d’emblée !! Mais où est la courtoisie ici ?! Ajoutez à cela des amants utilisant la ruse et la tromperie (valeurs profondément anti-courtoises), une remise en cause de l’institution du mariage avec une princesse dépucelée avant son mariage, un discours frauduleux et mensonger dit la main sur les reliques… Et vous obtenez un couple fort discourtois ! 
Ensuite, c’est Chrétien de Troyes qui explore le concept de la fin’amor dans ses romans en voulant dépasser le principe de l’adultère. Ainsi, l’auteur va explorer la possibilité de lier la courtoisie (prouesse chevaleresque et amour raffiné) à l’union légitime du mariage. Pour cela, il va nous présenter des personnages se mariant rapidement et tentant de trouver un juste équilibre entre vie privée et vie public. Chrétien de Troyes va donc redéfinir un amour courtois réconcilier avec le mariage. 
On approche maintenant du croustillant – haha – avec le Roman de la Rose. Ce roman allégorique est bicéphale car écrit par deux auteurs aux pensées diamétralement opposées. On considère la première partie écrite par Guillaume de Lorris comme une apologie de l’art d’aimer de manière courtoise ; et la seconde partie écrite par Jean de Meung comme une valorisation de la procréation. Je m’explique ! Dans le roman, le narrateur raconte un songe dans lequel il veut conquérir un bouton de rose, une magnifique allégorique de l’amant voulant séduire la dame donc. Mais lorsque le second auteur s’y met, on perçoit un tout autre discours. Jean de Meung nous explique que l’amour courtois est un amour stérile et une perversion sexuelle car le propre de l’humain est de perpétuer l’espèce alors comment faire sans acte sexuel ? Il oppose donc à cet amour stérile, la revalorisation des instants corporels et de la sexualité féconde à travers une scène moqueuse où le narrateur arrive à attraper la rose en des termes grivois laissant pleinement voir l’image de la défloration d’une jeune femme. Voici donc un discours aux contours satiriques, mais il reste une dernière oeuvre à explorer…
Le Roman de Renart ! On est là en pleine satire ! Vous pensez le Moyen-âge chaste ? Alors, que diriez-vous de ce monsieur Renart qui durant ses aventures se retrouve coincé avec sa belle et ne trouve rien de mieux à faire que de la prendre par derrière ?! Ce roman est un ensemble de récits différents appelés des « branches » – qui fonctionne en gros comme Bip Bip et Coyote ou Titi et Grosminet – dont le héros est un goupille (devenu aujourd’hui le mot renard grâce à Renart). Toutes les histoires vont tourner autour du personnage, de sa faim, de sa méchanceté, de sa ruse etc. Mais les auteurs en profitent pour parodier l’amour courtois et la chevalerie. On voit donc des scènes telles que celle décrite plus haut qui s’inscrit dans une relation réellement courtoise initialement ou encore un siège parodié dans la célèbre scène du siège de Mauperthuis. En bref, pour ce qui concerne notre sujet, dans ce roman, le curseur est mis sur la bestialité de l’amour courtois car non seulement il est représenté ici par des animaux mais en plus les accouplements se font de manière crue et directe. 

Petits récap’ des oeuvres si l’envie est de la partie !
  • Roman d’Énéas – 1160 – Matière de Rome – Anonyme
  • Tristan et Iseut – 1170/1190 – Matière de Bretagne – Béroul et Thomas d’Angleterre
  • Érec et Énide – 1170/1183 – Matière de Bretagne – Chrétien de Troyes
  • Cligès ou la fausse morte – 1176/1187 – Matière de Bretagne – Chrétien de Troyes
  • Lancelot ou le Chevalier de la charrette – 1177/1189 – Matière de Bretagne – Chrétien de Troyes
  • Yvain ou le Chevalier au lion – 1181 – Matière de Bretagne  – Chrétien de Troyes
  • Roman de la Rose – 1230 pour Guillaume de Lorris et 1275 pour Jean de Meung
  • Roman de Renart – 1170/1250 – plusieurs auteurs

Et vous, que pensez-vous de l’amours courtois ? Dites-moi tout, même si je vous ai endormi dites-le 😀

Vipère au poing – Hervé Bazin

Découverte Classique – Éditions Le Livre de Poche – Prix 4,60 €

IMG_20200218_102133_208

Vipère au poing, c’est le combat impitoyable livré par Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon, et ses frères, à leur mère, une femme odieuse, qu’ils ont surnommée Folcoche. Cri de haine et de révolte, ce roman, largement autobiographique, le premier d’Hervé Bazin, lui apporta la célébrité et le classa d’emblée parmi les écrivains contemporains les plus lus.

Haine & Maltraitance

C’est l’histoire de la Famille Rezeau. Vieille famille bourgeoise, héritière de privilèges, et vivant dans le château de La Belle Angerie. Mais plus précisément, c’est l’histoire d’une haine profonde entre un fils et sa mère. Mme Rezeau, née Pluvignec, est une femme odieuse, cruelle et rigoriste qui va faire vivre un enfer quotidien à ses trois enfants, dont Brasse-Bouillon, ou Jean, notre narrateur. 
D’abord, peureux et craintif, il se questionnera à de nombreuses reprises sur cette mère sadique et sans affection, rebaptisée Folcoche. Puis, en grandissant, Jean se révèlera être formidablement doué pour entrer dans le jeu maternelle, un jeu d’échec sombre et malsain se lance ainsi entre mère et fils. Un bras de fer allant même jusqu’à l’idée d’un assassinat ! Si le lien maternelle est en toute normalité construit par l’amour, ici c’est la haine qui le tisse et le consolide. Brimades, violences physiques et mentales, la mère ne recule devant rien pour imposer son autorité face à ce fils rebelle. Un enfant insoumis porté par sa volonté de vengeance, gravant un V.F – Vengeance Folcoche – sur chaque arbre qu’il croise, mais un fils ressemblant finalement énormément à cette mère si détestée… 

Rupture & Renouveau

Au delà de cette haine prégnante, un autre bras de fer se joue dans ce roman. Celui d’une époque révolue qui se manifeste de deux manières différentes : d’abord par le passage de Jean de l’enfance à l’adolescence. Un passage forgé par la haine dû à une innocence brisée dans le vif et l’obligation de survivre par la combativité. 
Mais en arrière plan de cette relation pernicieuse, c’est aussi toute une époque qui agonise, celle des privilèges. Cette famille issue d’une grande lignée de bourgeois – voire d’aristocrates – voit l’abolition de cette vie d’antan. Agonie d’une vie oisive et d’une éducation austère et rigoriste, mais aussi époque de l’avènement ouvrier. Triste époque pour les bourgeois donc, qui tentent de se raccrocher aux dernières particules de leurs prérogatives et refusent de voir la vérité en face. 

En une phrase…

Un roman viscéral ! À lire absolument ! 10/10 !

Les dieux ont soif – Anatole France

Découverte Fac – Éditions Le Livre de Poche Classiques – Prix 5,80 €

IMG_20200216_130228_042

Les dieux ont soif : quand il choisit pour titre ce mot de Camille Desmoulins, Anatole France ne veut nullement rejeter sur une fatalité tragique les atrocités de la Terreur. Ce texte admirable décrit l’horreur du fanatisme, l’obscurantisme gagnant les Lumières elles-mêmes, la barbarie prenant le masque du progrès. En 1912, ce livre du patriarche de la Gauche française qui dénonçait les excès de la Révolution fut accueilli comme un paradoxe. Aujourd’hui, cette représentation alarmée de l’histoire se lit comme une lucide préface à l’horrible xxe siècle, un avertissement contre l’ignorance et la peur qui engendrent la bêtise, la grande tueuse.

Symbolisme populaire & Illusion du changement

France écrit ce texte en 1912. Celui-ci sera reçu comme un choc électrique car jusqu’ici personne ne condamnait les actes barbares menés par la Révolution ! Rappelons-nous la célèbre théorie du bloc de Clemenceau en 1891 « La Révolution est un bloc ». Alors bien que l’auteur ne soit pas contre-révolutionnaire et qu’il n’ai aucunement eu le projet d’écrire un roman ayant cette résonance, le climat social de sa publication et le regard que ses contemporains ont eu dessus laisse une empreinte qui vaudra à Anatole d’être si peu connu – et non étudié à l’école, voir la réaction des bacheliers de 2016 parlant de notre Prix Nobel 1921 comme d’un inconnu, si si, je vous jure !!! Bon ok, je dramatise, le pourquoi du comment Anatole a été tant mis de côté est un cocktail de nombreuses choses, néanmoins les faits sont là et je souhaite une réhabilitation ferme pour cette belle plume
L’auteur nous fait suivre Évariste Gamelin – dont le nom sera gravé à vie dans ma tête pour l’impact du personnage mais aussi pour l’avoir écrit 1500 fois dans mon dossier universitaire – parfait prototype du fanatisme révolutionnaire. Peintre raté qui trouvera son idéalisme esthétique et idéologique dans son poste de juré du Tribunal révolutionnaire en participant à la tuerie paranoïaque et inhumaine de la Grande Faucheuse – comprendre ici, la tristement célèbre guillotine, le panier à Samson. Gamelin condamnera tout le monde, des inconnus d’abord, puis son beau-frère et enfin ses ami(e)s. 
Mais avant d’en arriver à ces condamnations, France installe un regard sceptique au lecteur en démontrant un climat d’inchangé dans ses pages. En effet, malgré le bouleversement révolutionnaire prometteur d’un renouveau pour le peuple, il laisse entrevoir une forme utopique de ses changements. Le peuple se trouve toujours dans la misère et les habitudes monarchiques persistent ; tandis que la justice implacable et tyrannique reprochée au monarque se voit renouveler par le Comité de Salut publique, au même titre qu’une religion seulement ranimée sous un nouvel aspect. Le symbolisme populaire permet la mise en lumière des désillusions de la Révolution en marche, mais France dans cette perspective utilise également le discours.

Dialogisme & scepticisme révolutionnaire

Le premier discours critique vis-à-vis de la Révolution et de ses acteurs est le discours maternel – celle que l’on peut voir comme une personnification de la Mère Patrie – dont il résulte un peuple affamé et un scepticisme certain quant au devenir des idéaux révolutionnaires : « Mais ne me dis pas que la Révolution établira l’égalité, parce que les hommes ne seront jamais égaux ». Une vision critique que Gamelin refuse d’écouter. D’autres personnages viendront contrecarrer ses idéaux tels que le père de sa chère et tendre, ses ami(e)s, sa soeur et son beau-frère.
En définitive, France soumet Gamelin au pragmatisme des personnages féminins et masculins l’entourant. Ce dialogisme hétérogène résonne comme l’unité de la voix populaire et manifeste une attitude encline à se questionner sur ladite période ; non seulement sur les institutions mises en place – notamment la nouvelle religion et la nouvelle justice – mais aussi sur les agissements propres à cette Révolution qui libère le peuple sous la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », mais dont les maîtres mots sont aussi misère, guillotine et obédience.

Mort & Effet de cycle

La Mort est présente partout dans cet ouvrage que ce soit dans les odeurs et le paysage parisien comme dans l’évolution narrative elle-même. Déjà, Gamelin a pour modèles deux destins funestes et controversés : Marat, puis Robespierre. Les deux hommes, acteurs principaux d’une Révolution implacable, finiront tous deux morts pour le Révolution. On peut ainsi voir dans ces deux figures adulées se profiler un destin tout aussi funeste pour notre anti-héros prêt à tout, comme ses modèles, pour la République. De plus, le remplacement de Marat par Robespierre vient également signaler un premier aspect cyclique dans le roman francien. 
La guillotine participe également à cet effet de cycle en montrant une justice toujours assoiffée de victimes ; et enfin, c’est la mort de Gamelin qui boucle la boucle – pardon pour le spoil mais il ne s’agit pas d’un rebondissement fictionnel. Inévitable, elle intervient non seulement pour renforcer l’effet de cycle, mais permet également de soulever une forme d’échec révolutionnaire. Ainsi, le cycle renvoie à l’inchangé qui par analogie renvoie, lui, à une forme d’échec. Plutôt qu’un roman contre-révolutionnaire, j’y vois moi, un roman de l’échec de l’humanité. 

En une phrase…

Un roman délicieux qui marque les esprits et fait réfléchir sur la capacité humaine à se laisser aveugler par effet de masse et de peur. 10/10 !